Il n’avale plus rien depuis le 11 octobre, 16 heures, sauf de l’eau. A 72 ans, le père Philippe, aumônier du Secours catholique du Pas-de-Calais, fait la grève de la faim pour dénoncer le sort et les conditions de vie réservés aux migrants. Comment se porte-t-il au quatrième jour sans repas ? «Comme d’habitude !» Ce matin, dans l’église Saint-Pierre, dans le centre-ville de Calais, le prêtre jésuite apparaît paisible. Regard espiègle. Voix douce, tantôt plus dure : «Tous les discours qui nous gavent pour nourrir le rejet de la migration : on n’en veut pas !»
Pour lui, la première victoire est déjà acquise : «Des Français et des Françaises blancs témoignent que les atteintes aux personnes exilées leur importent. La maltraitance infligée à leurs corps touche les nôtres.» Le sien est grand, longiligne. Philippe Demeestère débarque parmi ces déracinés de passage à Calais un jour de février 2016. «Tu n’irais pas voir ce qu’il se passe là-bas ?» lui suggère son supérieur jésuite, huit mois avant le démantèlement de la grande «jungle», alors plus important bidonville de France. Sans mission précise, il quitte Nancy pour apporter son aide à ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en route pour l’Angleterre. «Je suis arrivé là comme tous ces mômes : seul, juste avec mon corps.»
Qu’espère-t-il obtenir en se privant ainsi de toute nourriture ? «Nous avons des revendications modestes qui n’obligent pas le partenaire à se déculotter.» D’abord