Depuis février 2022, la Cellule écoute et prévention des abus de notre Province a engagé, en France, un travail avec la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) pour proposer aux personnes victimes une démarche de réparation.

Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF, et Antoine Garapon, président de la CRR.

Soeur Véronique Margron, présidente de la CORREF, et Antoine Garapon, président de la CRR.

Le 5 octobre 2021, la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a été un électrochoc, une sortie du déni pour certains, une sidération face à l’ampleur du phénomène des abus et violences sexuelles, des faits relatés, du malheur infligé.

Suivant les recommandations de la CIASE, la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF) a décidé de créer une commission indépendante pour les personnes victimes d’abus sexuels commis par des religieux ou religieuses, s’engageant dans la voie d’une justice réparatrice. La Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a ainsi été créée en novembre 2021.

Cette démarche s’inspire des principes de la justice réparatrice, qui met la personne victime au centre du processus. « Cette justice qui – parce
que plus rien n’est malheureusement possible du côté de l’État – prend à bras-le-corps la volonté d’une justice malgré tout et dont la préoccupation centrale est ce qui peut soutenir aujourd’hui la vie de la victime », rappelle Sœur Véronique Margron, présidente de la CORREF.

Le travail de la CRR

La mission de la CRR se déploie autour des axes suivants : Écouter, Reconnaître, Réparer, Restaurer et, enfin, Rechercher.

Dans un premier temps, deux « commissaires » (1) de la CRR accueillent la personne victime et écoutent son récit. Un questionnaire l’aide ensuite à
mesurer les conséquences des violences subies dans les différents aspects de sa vie (sociale, professionnelle, spirituelle, ecclésiale, sexuelle, familiale…) et la CRR l’accompagne pour formuler ses demandes de reconnaissance et de réparation.

Les recommandations, transmises ensuite à la congrégation concernée, portent sur des réparations financières et non financières : recherche d’autres victimes, démarche mémorielle, participation à des actions de prévention ou formation…

Ces démarches aboutissent à un accord signé par la personne victime et la congrégation qui s’engage à mettre en œuvre les actions décidées et à verser la somme convenue.

Afin de capitaliser sur cette expérience acquise, la CORREF a demandé à la CRR de s’engager, dans les mois à venir, dans un travail de recherche qui concernera, notamment, l’étude des aspects systémiques des abus.

La CRR et les jésuites

Depuis février 2022, notre Cellule écoute et prévention des abus est en contact régulier avec la CRR. Dans cette perspective, nous avons informé de son existence une soixantaine de personnes victimes afin de leur permettre de poursuivre leur démarche de reconnaissance et de réparation.

Depuis cette date, nous travaillons avec un binôme de la CRR qui se consacre à l’accueil et à l’accompagnement de personnes victimes de jésuites. Nous sommes sollicités pour donner des éléments sur les faits et aider à éclairer les parcours des jésuites mis en cause. Nous menons ainsi des recherches dans nos archives et auprès des personnes qui auraient pu être témoins des faits.
Nous faisons le point régulièrement avec la CRR sur les situations, les attentes et les questions des personnes victimes. Ce travail conjoint permet une reconnaissance de leurs paroles et des faits relatés. Au vu de ces éléments, la CRR établit des recommandations de réparation qui seront reprises dans l’accord final entre la personne victime et la Compagnie de Jésus.

À ce jour, près de 30 personnes se sont adressées à la CRR pour des faits concernant des jésuites, et 7 ont déjà obtenu une réparation financière à l’issue de ce parcours. L’année 2023 verra une accélération de ce travail de réparation mené par la CRR.

Cette démarche exigeante est essentielle, tant pour les personnes victimes que pour les jésuites. Elle nous aide à reconnaître le mal, les aveuglements et les erreurs qui ont été commis au sein de la Compagnie de Jésus.

P. Grégoire Lebel sj, assistant du Provincial, Agnès Delépine, responsable de la cellule Écoute et prévention P. Grégoire Le Bel sj, assistant du Provincial,
Agnès Delépine, responsable de la cellule Écoute et prévention

Notes

1. Chaque binôme de commissaires est affecté à une congrégation ou institut religieux : une personne issue du monde judiciaire et une personne de la société civile, toujours à parité homme/femme.

Présentation d’Agnès Delépine

Agnès Delépine est responsable de la Cellule écoute et prévention des abus de la Province EOF depuis mai 2022. Elle a travaillé précédemment au sein d’un groupe industriel dans les ressources humaines puis dans des fonctions commerciales. Après un diplôme d’État en médiation familiale et une certification de coaching, elle a exercé pendant 12 ans en libéral.

« Sensible à la démarche synodale engagée par l’Église, j’ai accepté d’être responsable de la cellule créée par la Province EOF qui s’est résolument engagée depuis plusieurs années dans ce travail d’écoute et de prévention. L’écoute de chaque personne victime d’emprise ou d’abus fait naître un
récit qui s’inscrit dans une histoire particulière, parsemée d’embûches qui n’auraient jamais dû exister. Ma posture de médiatrice et de coach guide ma pratique d’accompagnement dans cette démarche. Une telle écoute transforme en profondeur celui qui accueille la parole déposée avec confiance.
C’est cela « marcher ensemble ». Cette parole qui m’est confiée permet de faire la lumière sur le passé et sur le présent pour envisager un avenir différent.
Tant d’enseignements et de pistes de réflexion invitent, inlassablement, à la conversion de chacun et à la réflexion de l’institution toute entière. Pour cela, il est essentiel d’oser une parole afin de repérer et d’éviter toutes les relations inappropriées ; que ce soit au sein de rencontres interpersonnelles tels que les accompagnements spirituels, ou dans les communautés jésuites, les centres spirituels, les établissements scolaires ou toute œuvre de notre Province. C’est pour moi une manière de prendre part à la vie de l’Église et tout spécialement à celle de la Compagnie de Jésus. »

Contacts

  • Contacter la cellule d’accueil et d’écoute de la Province jésuite EOF : ecoute.abus@jesuites.com
  • Contacter la Commission Reconnaissance et Réparation : victimes@crr.contact, tél : (+33) 9 73 88 25 71

Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2022), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci de consulter ce lien.

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