La GPA, révélatrice des paradoxes des écologistes sur la bioéthique
Lundi 13 décembre sur Franceinfo, Yannick Jadot, candidat écologiste à la présidentielle, s’est montré favorable à une « GPA éthique », gestation pour autrui « non marchande ». Il s’inscrit dans une tradition libérale de l’écologie politique, qui n’est pas exempte de contradictions dans son rapport à la technique et au vivant.
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Pour les uns, le candidat écologiste ne surprend pas, en s’adressant à la frange LGBT de son électorat. Pour les autres, il fait une grosse erreur, en « se mettant les écoféministes à dos », selon l’expression d’une écologiste du sérail. Preuve qu’en relançant son idée – déjà évoquée dans le magazine Têtu en juin 2021 – de « GPA éthique », le candidat vert à la présidentielle, Yannick Jadot, aborde un sujet délicat. Au risque de raviver les tensions dans son camp.
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Les enjeux de bioéthique travaillent de longue date les écologistes. « En gros, on peut distinguer deux grandes traditions, résume l’essayiste et compagnon de route Édouard Gaudot. Conservatrice, pour laquelle les équilibres du vivant doivent être respectés, avec de grandes réserves sur sa manipulation ; libérale, qui place au premier plan l’émancipation de l’individu et la non-discrimination. »
Un parti travaillé par les enjeux de bioéthique
Chez les Verts français qui se situent clairement dans la seconde frange, cet ancrage « émancipateur », propice à une conception très ouverte de la procréation artificielle, s’entrechoque avec un autre ancrage tout aussi important : une écologie qui « procède (…) d’un questionnement par rapport à la technique et à la science, et à cette volonté de l’être humain de vouloir tout dominer », comme l’indiquait dans nos colonnes l’ancien secrétaire national d’EELV, Pascal Durand.
À cet égard, « les sujets de bioéthique et de GPA sont piégeux, relève le philosophe Dominique Bourg, car à vouloir absolument se distinguer d’une tradition conservatrice, qu’ils conspuent, et placent à droite, ils en finissent par se contredire eux-mêmes ! ». De fait, comment s’alarmer des OGM disséminés dans l’environnement tout en défendant la recherche sur l’embryon humain ? Comment se montrer soucieux d’une biodiversité fragile tout en acquiesçant aux innovations les plus poussées des biotechnologies ? José Bové avait soulevé ces tensions à plusieurs reprises, sans toujours être compris.
« Tout paraît simple »
Sans compter que la gestation pour autrui introduit un degré de complexité supplémentaire, car il ne s’agit plus seulement de droit individuel à recourir à une technique procréative, mais de recourir au corps de la femme. Pour Yannick Jadot, tout paraît simple : « Vous pouvez organiser de la gestation pour autrui de manière entièrement non marchande », explique-t-il, donc « éthique », même pour la mère porteuse.
« Sauf que ça n’existe pas, considère Bruno Saintôt, responsable du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres, car il y a toujours une forme de contrat d’abandon de l’enfant avec le couple commanditaire – il faut notamment prévoir le cas d’un bébé non conforme aux attentes – et un dédommagement pour compenser les neuf mois passés à son service. »
La GPA, éthique ou non, vient alors heurter une tradition féministe très puissante chez les écologistes. Des militantes ont d’ailleurs réagi à la proposition du candidat Jadot, en estimant que, même sans marchandisation, la GPA revenait à exploiter le corps de la femme, sapant le principe – clé dans le droit français – de son « indisponibilité ».
Personne ne croit, là encore, au tableau dressé par le candidat, évoquant sur Franceinfo deux sœurs qui pourraient s’entraider, presque dans l’intimité d’une relation familiale. « Faire une GPA aujourd’hui, c’est forcément s’inscrire dans un système médical très technicisé », onéreux et énergivore, « avec fécondation in vitro, diagnostic prénatal, etc. », pointe encore Bruno Saintôt. Au risque, là encore, de percuter les fondamentaux écologistes de sobriété et de décélération.
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