Quand André Fossion parle de catéchèse au Vatican


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Quand André Fossion parle de catéchèse au Vatican
Par La rédaction
Publié le
8 min

Mettre la grâce au cœur de la catéchèse contemporaine, tel est le propos d'André Fossion, professeur émérite du Centre International de Catéchèse et de Pastorale Lumen Vitae à Namur. Invité à l'occasion d'une rencontre de 33 conférences épiscopales européennes au Vatican, le jésuite belge a partagé sa vision de la mission d'évangélisation des Eglises européennes. Sans langue de bois, il invite à l'audace, la créativité et aussi la remise en question.

Le pape François salue André Fossion

Ces 16, 17 et 19 septembre derniers, une centaine de responsables de la catéchèse de 33 conférences épiscopales européennes se sont réunis au Vatican. Il y était question de "catéchèse et catéchisme pour la nouvelle évangélisation". La rencontre était organisée à l'initiative du Conseil Pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, à la suite de la parution l'année passée du nouveau Directoire pour la Catéchèse et du Motu proprio instituant le ministère de catéchiste.

Le pape François est venu saluer les participants, soulignant que "les catéchistes sont des gens qui proclament l’Évangile de la miséricorde sans se lasser; des personnes capables de créer les liens nécessaires d’accueil et de proximité qui nous permettent de mieux goûter la Parole de Dieu et de célébrer le mystère eucharistique en offrant les fruits des œuvres bonnes"

Faut-il encore évangéliser?

Dans son propos dont nous reprenons quelques extraits *, André Fossion commence par une citation de Paul VI "Il ne serait pas inutile que chaque chrétien et chaque évangélisateur approfondisse dans la prière cette pensée : les hommes pourront être sauvés aussi par d’autres chemins, grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l’Evangile".

Ainsi donc, il y a plus de quarante ans, le chef de l'Eglise rappelait que tout le monde a droit au salut, sans devoir passer par la case "adhésion au christianisme".

Par ailleurs, constate le jésuite, "il y a aujourd'hui une crise généralisée et persistante de désirabilité à l’égard du christianisme. Certaines régions rurales ou urbaines sont aujourd’hui un véritable désert catéchétique. La question se pose: que faire, quand il n’y a plus rien, quand il n’y a plus de tissu ecclésial qui puisse accueillir et soutenir une action catéchétique, qui puisse offrir un 'bain ecclésial' catéchisant?"

Se rendre désirable

"Beaucoup de nos contemporains pourtant en quête du vrai, du bien et du beau n’éprouvent pas d’appétence à l’égard du christianisme tel qu’il se propose à eux ou tel qu’il est éprouvé. Le christianisme, aujourd’hui, sur la scène publique en Europe, a de la peine à se faire entendre et à se montrer socialement, culturellement, crédible et désirable. Aussi, le défi auquel nous avons à faire face collectivement en Eglise est-il fondamentalement un problème de désirabilité : désirabilité de l’écoute du message chrétien, désirabilité aussi de l’annonce car il n’est pas sûr que les chrétiens eux-mêmes soient désireux d’annoncer l’Evangile ou outillés pour le faire."

Communiquer la générosité et l’universalité du salut de Dieu

"Quelle posture de communication adopter aujourd’hui pour augmenter la désirabilité de l’annonce évangélique comme aussi la désirabilité de son écoute ? Il n’y a pas de solution miracle. Néanmoins, je voudrais proposer ici une voie fondamentale à emprunter: c’est en faisant couler dans les veines du corps ecclésial une théologie de la grâce que la catéchèse contribuera le mieux à rendre le christianisme désirable et participera à la mission d’évangélisation et de service des Eglises en Europe."

D'abord évangéliser les chrétiens

"Ce message de grâce est destiné à l’Eglise elle-même. "L’Eglise a toujours besoin d’être évangélisée, si elle veut garder fraîcheur, élan et force pour annoncer l’Evangile", écrit saint Paul VI. L’évangélisation, en effet, commence par l’évangélisation de l’Eglise elle-même. Ce serait une illusion de croire que nous n’avons plus à être évangélisés. Le récit évangélique témoigne d’ailleurs de la surdité, de la mécompréhension et des fortes résistances des disciples à l’égard de l’enseignement et des attitudes de Jésus. Ainsi, en va-t-il, sans doute, également dans l’Eglise d’aujourd’hui, toujours à évangéliser. Nous avons toujours à nous mettre à l’école de l’inouï de l’Evangile."

André Fossion poursuit "En vertu de la générosité du salut de Dieu, point n’est besoin de l’annonce évangélique pour pouvoir bénéficier du salut. Mais, grâce à Dieu, il y a du salut en dehors de l’Eglise.

Il est capital, aujourd’hui, dans l’Europe sécularisée, où les chrétiens ont le sentiment de devenir une minorité, de souligner la générosité et l’universalité du salut et de conférer à leurs yeux une authentique consistance théologique et spirituelle à la voie du salut qui ne passe pas par l’ordre sacramentel. S’il y a plusieurs voies de salut, au final, c’est le même salut. C’est une libération pour les chrétiens de reconnaître la pluralité des voies de salut et de le dire. La catéchèse peut aider les chrétiens à reconnaître, grâce à Dieu, cette pluralité des voies du salut et à se réjouir de l’action de l’Esprit au cœur des êtres humains.

Mais si l’annonce n’est pas nécessaire pour le salut, elle apparaît néanmoins radicalement salutaire pour qui l’écoute et infiniment précieuse pour ce qu’elle permet de reconnaître, de vivre et de célébrer.

C’est donc pour honorer le droit de l’autre de l’entendre et par charité que l’on annonce l’évangile."

Sortir, rencontrer et dialoguer

"Une catéchèse qui insiste ainsi sur la primauté de la grâce et l’universalité du salut invite à se risquer sur les chemins du monde à la rencontre de l’autre et à marcher ensemble. Il y a là un renversement de perspective notoire par rapport au discours habituel qui invite les chrétiens à se montrer accueillants ; ici, il s’agit de se risquer à l’accueil dans le lieu de l’autre.

L’enjeu ici est d’impliquer les communautés chrétiennes dans l’engendrement de nouvelles tendances culturelles. Etant donné les tensions socio-politiques du monde actuel, les crises sanitaires, la crise écologique, le défi climatique, etc, on peut s’attendre à une prochaine effervescence des esprits. Les chrétiens resteront-ils hors-jeu, en dehors de cet engendrement d’un monde nouveau ? Le pape François, au contraire, les encourage fortement à s’allier et à collaborer avec tous les chercheurs et chercheuses d’humanité: "Je vous recommande, de manière particulière, dit le pape, la capacité de dialogue et de rencontre. Dialoguer, c’est rechercher le bien commun pour tous."

Dans ce cas, c’est le monde qui donne force et pertinence à l’Evangile d’une manière qui peut nous surprendre. Aussi bien, l’évangélisation aux carrefours de l’existence évoqués ici est-elle à deux voies. Nous sommes toujours évangélisés par ceux et celles que l’on évangélise. La mission, de ce point de vue, ne se sépare pas de la moisson: missionner, c’est toujours moissonner, c’est toujours découvrir une moisson déjà là."

Audace et créativité

"Aussi, le Directoire souligne-t-il que l’élan missionnaire requiert "une véritable réforme des structures et dynamiques ecclésiales" avec audace et créativité afin qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, plus évangéliques. Relevons ici au moins trois plans où l’Eglise peut se réformer et se rendre plus désirable.

Aussi l’Eglise doit-elle veiller à garder et à manifester sa vocation : servir l’humanité au nom de l’Evangile.

Ne faudrait-il pas, dès lors, que les conférences épiscopales encouragent des recherches sur la ritualité humaine en ses diverses formes, notamment d’aujourd’hui, et ouvrent des expérimentations liturgiques, avec des jeunes en leur conférant de réelles latitudes et responsabilités pour explorer de nouvelles expressions rituelles sacramentelles et non[1]sacramentelles, proches de la vie et des circonstances ? La période du confinement en raison de la Covid-19 a permis au peuple chrétien d’être inventif à cet égard. Il y a, en effet, de multiples manières, à inventer, de célébrer l’Evangile, qui peuvent être autant de chemins vers la célébration eucharistique. Notons aussi que, dans bien des milieux catéchétiques, s’exprime le désir de voir l’Eglise ouvrir de nouveaux modes d’accès et de formation au presbytérat. On y appelle aussi l’Eglise à être vigilante quant à la formation des nouveaux prêtres afin qu’ils soient à l’écoute du monde et du peuple chrétien, sans verser dans un ritualisme sacralisant."

Presser l’Eglise à entreprendre des réformes audacieuses

Les propos d'André Fossion font souvent écho à la vision du pape Paul VI pour une Eglise ouverte au dialogue. Inévitablement cela remet aussi en question bien des pans de son fonctionnement et de son organisation. Il cite entre autres la diaconie, la liturgie et la gouvernance.

"Une Eglise synodale ne peut qu’être inclusive; elle ne peut que marcher sur ses deux pieds et respirer de ses deux poumons. Cette exigence ne fera que s’amplifier à l’avenir. C’est pourquoi, dans les démarches synodales en cours, l’Eglise, à l’écoute de l’Evangile, du peuple chrétien et du monde, ne devrait-elle pas se doter, avec audace autant que de sagesse, de perspectives permettant la mise en place d’une parité hommes/femmes dans les prises de décisions qui concernent le Peuple de Dieu, à tous les niveaux ? N’aurait-on pas affaire alors à une véritable réforme qui rendrait l’Eglise plus crédible et plus désirable, plus humaine et, partant, plus évangélisante?"

NG

* à lire intégralement ici Catéchèse contemporaine_La grâce au coeur_André Fossion

Catégorie : Eglise Belgique

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