C’est en plein centre-ville, place Crèvecœur, dans l’église Saint-Pierre de Calais (Pas-de-Calais), que les trois grévistes ont installé leurs lits de camp. Depuis lundi 11 octobre, Philippe Demeestère, aumônier du Secours catholique de Calais, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, un couple de trentenaires mobilisés depuis plusieurs mois auprès des personnes migrantes, ont entamé une grève de la faim. C’est la première fois qu’ils engagent une telle démarche. Et c’est la première fois depuis 2016 qu’une telle action est déclenchée à Calais. A l’époque, plusieurs Iraniens s’étaient cousus la bouche et avaient cessé de s’alimenter pour dénoncer les conditions de vie dans la « jungle ».
Cinq ans presque jour pour jour après le démantèlement du bidonville, à bien des égards Calais semble se réduire à l’éternelle répétition du même. Le même goulet d’étranglement sur la route migratoire vers l’Angleterre, distante de 30 kilomètres à peine ; les mêmes conditions de vie déplorables, où le froid le dispute à la faim dans les campements ; la même hantise de la part des pouvoirs publics de créer des points de fixation ; le même dialogue de sourds entre eux et les acteurs associatifs.
« Il n’y a plus aucune écoute de la part des autorités », fait valoir Ludovic Holbein. « L’Etat se radicalise donc on choisit une action radicale », ajoute Anaïs Vogel.
« On ne sait plus comment faire pour être entendu, prolonge Juliette Delaplace, chargée de mission au Secours catholique à Calais. Les conditions de survie sont abominables mais les mots n’ont plus aucun poids. Le gouvernement est aveugle et sourd à ce que dit le Défenseur des droits ou la commission consultative des droits de l’homme… et même les décisions administratives sont en faveur des politiques de l’Etat. »
Distributions alimentaires interdites
Actuellement, les associations estiment que 1 500 personnes « vivent » à Calais et ses alentours. Les autorités parlent, elles, de 550 migrants environ. Majoritairement Soudanais et Erythréens, ils sont dispersés entre plusieurs campements et le centre-ville.
Les grévistes ont formulé trois demandes : que cessent, le temps de la trêve hivernale, les démantèlements quotidiens de campements ; que cesse sur la même période la confiscation des effets personnels et des tentes lors de ces opérations d’expulsion et, enfin, qu’un dialogue soit rétabli avec l’Etat pour déterminer des espaces d’intervention humanitaire. Depuis plus d’un an, des arrêtés préfectoraux interdisent les distributions alimentaires dans la ville tandis que grilles, barbelés et autres rochers défigurent l’espace dans un nombre toujours croissant d’endroits.
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