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Abus sexuels dans l’Église : la déflagration du rapport Sauvé

Récit

La publication du rapport de la Ciase le 5 octobre 2021 a provoqué une prise de conscience de l’importance des abus sexuels dans l’Église. Frappées par l’ampleur des révélations, les communautés chrétiennes étaient partagées entre colère et engagement. Les évêques ont reconnu le caractère systémique des abus lors d’une Assemblée plénière, à Lourdes, un mois après la remise du rapport.

  • Christophe Henning,

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Abus sexuels dans l’Église : la déflagration du rapport Sauvé

L’homme est bardé de diplômes, grand connaisseur de la littérature, jésuite… À la présentation du rapport Sauvé, il s’effondre. Ou plutôt s’immobilise, pétrifié. Son intelligence n’est que peu de recours face à la violence qui étreint l’auditoire. Après avoir écouté pendant deux heures la restitution du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), Patrick Goujon n’a plus de mots pour dire sa sidération, lui qui a été victime, dans son enfance, d’agressions sexuelles commises par un prêtre, toujours vivant, toujours pas jugé. « L’ampleur de ces révélations démontre le caractère systémique du mal, la culture du secret, l’aveuglement de l’institution », analyse un an après Patrick Goujon, lui-même prêtre. Et pourtant le moment est pour lui « paradoxalement libérant », il se sent « enfin entendu ».

5 octobre 2021. Au petit matin, journalistes, représentants de l’Église catholique et victimes d’agressions sexuelles convergent vers un bâtiment public, et donc volontairement anonyme pour eux, du 7e arrondissement de Paris. Des chiffres ont circulé tout le week-end, semant le trouble. On ne parlait jusque-là que de quelques milliers de victimes… loin de l’effroyable réalité que s’apprête à dévoiler Jean-Marc Sauvé.

Trente-deux mois de travail

Cinquante minutes d’exposé, 485 pages de rapport et deux mille pages d’annexes… D’une voix constante, Jean-Marc Sauvé restitue trente-deux mois de travail : à la tête de la Ciase, ce haut fonctionnaire a visiblement beaucoup appris sur la nature humaine. L’écoute des victimes lui a fait découvrir l’ampleur du mal, jusqu’à la nausée. Mais ne l’a pas arrêté dans la mission confiée le 13 novembre 2018 par Mgr Georges Pontier, alors président de la Conférence des évêques (CEF) et sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref).

L’écho médiatique est énorme, se cristallisant sur l’extrapolation statistique du nombre d’enfants agressés depuis les années 1950 : 216 000 victimes estimées, le chiffre retentit sur toutes les chaînes d’info et les réseaux sociaux. André, 74 ans, se souvient s’être dit : « S’il y a eu tant d’enfants touchés, j’en ai forcément croisé un à la chorale, chez les scouts, ou au collège… » Ce bon paroissien d’Alsace ne s’était jamais senti aussi concerné. « Votre rapport est rude, il est sévère, reconnaît d’emblée Mgr de Moulins-Beaufort. La voix des victimes nous bouleverse, leur nombre nous accable. Nous recevons l’amère lumière du rapport de la Ciase comme une exigence de Dieu. »

Abus sexuels dans l’Église : la déflagration du rapport Sauvé

« Peut-on bien recevoir un désastre, sinon avant tout éprouver un infini chagrin, une honte charnelle, une indignation absolue », enchaîne Véronique Margron, bouleversée. Mais c’est « l’heure favorable », aussi douloureuse soit-elle. C’est le temps du dévoilement, le temps décisif : « Cette heure-là était à la fois crucifiante et pleinement évangélique, estime, un an après, la présidente de la Corref. À chaque nouvelle victime, je sais que le contenu du rapport est juste. J’avais le sentiment qu’il y avait tout un peuple fracassé, et seulement un petit nombre pour leur venir en aide. »

« Il n’y a aucune loi supérieure aux lois de la République »

Le 6 octobre, à 8 h 30, Éric de Moulins-Beaufort est dans les studios de France Info. Alors que le rapport Sauvé voudrait moduler le secret de la confession, l’archevêque de Reims est catégorique : « Le secret de la confession doit rester parce qu’il ouvre un espace de parole. » « Vous voulez dire que le secret de la confession n’obéit pas aux lois françaises ? », l’interrompt le journaliste Marc Fauvelle. « Surpris, je lui pose la question une seconde fois », se rappelle le matinalier de France Info : « Ce que vous nous dites, c’est que le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ? » L’évêque soutient : « Il s’impose à nous et, en ce sens-là, il est plus fort que les lois de la République. »

Sur les réseaux sociaux, la réaction des auditeurs ne se fait pas attendre. À la sortie du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal est sollicité : « Il n’y a rien de plus fort que les lois de la République dans notre pays. Cela tient en une phrase et c’est très clair. » Le 12 octobre, le président de la CEF est sommé de s’expliquer avec Gérald Darmanin. « Je me suis permis de lui redire, comme je le dis à chacun des cultes, qu’il n’y a aucune loi supérieure aux lois de la République », déclare le ministre de l’intérieur chargé des cultes devant l’Assemblée nationale, quelques heures après l’entrevue.

Des communautés chrétiennes bouleversées

Loin des caméras, on s’interroge. Face au choc des chiffres, les fidèles ont besoin d’explications. Certains montent au créneau, plongent dans le rapport disponible en ligne. D’autres sont atterrés. Le 10 octobre, lors des messes dominicales, le sujet est dans tous les esprits. Tout aussi désemparés que leurs paroissiens, les prêtres encouragent les fidèles à prendre connaissance du rapport en ligne, des réunions sont organisées pour débattre. Dans certaines paroisses en revanche, pas un mot.

De passage lors d’une fête mariale présidée par l’évêque à Lorient, Marie-Automne Thepot se souvient avoir été révoltée par ce silence. « Pas un mot sur la déflagration qu’a suscitée le rapport ? On n’allait quand même pas partager le pain eucharistique sans évoquer les victimes ! » Elle se précipite au micro : « Vraiment Monseigneur, vous n’allez rien nous dire, comment reconstruire l’Église, pas un mot ? » Micro prestement coupé par un scout tandis que le curé glissera à la fin de la messe : « Vous nous avez dérangés dans notre prière, ça ne se fait pas… »

Il est vrai que le rapport est sans concession. Dans un sondage commandé par La Croix, 85 % des fidèles se disent « en colère » et « tristes ». Sept croyants sur dix éprouvent un sentiment de « honte ». Le rapport a bouleversé les communautés chrétiennes qui prennent à partie la hiérarchie : « Monsieur l’évêque, interpelle un paroissien lors d’une rencontre. Je ne vous dirai plus monseigneur ou père… » Quelle sera la réponse des évêques ? Rendez-vous est pris à Lourdes, du 2 au 8 novembre 2021, pour l’Assemblée plénière.

Lourdes, une reconnaissance historique

C’est loin des médias que les évêques veulent se retrouver, histoire de laisser s’exprimer les opinions les plus diverses. À commencer, indique une source, par trois ou quatre évêques rétifs à toute forme de reconnaissance : « Devons-nous vraiment réagir sous la pression médiatique ? » Une majorité serait prête à affronter la réalité, « au moins pour en sortir… » Mais les premiers jours, rien ne filtre de l’hémicycle sous haute surveillance.

Tout aurait basculé au quatrième jour, jeudi matin. Le président de la CEF serait allé jusqu’à mettre son mandat dans la balance, comprennent certains. « Vous me parlez de pression médiatique, mais ce n’est rien à côté de l’urgence de répondre aux victimes dont je mesure la souffrance depuis des années », aurait confié en substance Éric de Moulins-Beaufort. « Cela aurait pu capoter, ajoute un témoin. Enfin, ils ont compris qu’il fallait y aller. »

Les résolutions débattues le premier jour sont adoptées. Cette adhésion massive doit être transformée sans tarder : dès jeudi midi, un communiqué est diffusé. Les évêques reconnaissent « la responsabilité institutionnelle de l’Église », « la dimension systémique de ces violences », et « que cette responsabilité entraîne un devoir de justice et de réparation ».

À cette reconnaissance historique, il faut un support. La réalisatrice Maryel Devera, qui a travaillé pour TF1 ou Endemol avant de créer sa propre boîte de production, est appelée au secours pour aider à concevoir une démarche pénitentielle. Elle connaît bien Lourdes, où a eu lieu sa propre conversion, en 2013. « Il faut une image aussi forte que le pape seul sur la place Saint-Pierre déserte, sous la pluie, lors de la pandémie de Covid », se dit-on alors. Une autre image restera de cette marche silencieuse, de cette prière commune : la photo d’un visage d’enfant sculpté dans la pierre, une larme à l’œil.

Abus sexuels dans l’Église : la déflagration du rapport Sauvé

C’est Michel, un prêtre victime d’agression sexuelle dans l’enfance, qui a photographié ce détail saisissant d’un pilier de l’église de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée. Accrochée en grand format, la photographie sera choisie pour rappeler, dans les sanctuaires de Lourdes, la mémoire de toutes les victimes d’abus dans l’Église. « Petit enfant qui pleure, petit garçon qui t’en étais allé servir la messe, plein de fierté, petite fille qui allait te confesser le cœur plein d’espérance du pardon, jeune garçon, jeune fille, allant tout enthousiaste à l’aumônerie ou au camp scout. Nous te regardons. Désormais, nous passerons devant toi en te voyant, en t’écoutant », proclame Éric de Moulins-Beaufort, samedi 6 novembre, à genoux sur la dalle de l’esplanade à Lourdes.

Vers l’écoute et l’indemnisation des victimes

Viennent, au dernier jour de l’Assemblée plénière, les décisions : création de groupes de travail et instauration de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), qui pourra accueillir les demandes des personnes victimes. Le jour même, Marie Derain de Vaucresson, ancienne défenseure des enfants, est nommée à sa tête. « Notre but sera d’écouter les attentes et les besoins exprimés, d’aider aussi les victimes à évaluer ce qui est bon pour elles, et de répondre au plus près à leur demande… », annonce la juriste.

Le Selam, chargé de collecter les fonds nécessaires, sera créé en mars 2021, constitué par les évêques sur leurs deniers personnels et ceux des donateurs. Le diocèse de Paris puisera dans sa caisse, celui de Bayeux-Lisieux mettra en vente deux appartements de l’agglomération de Caen. Mgr Dominique Blanchet décidera de la vente de l’évêché de Créteil, un pavillon de douze pièces, de 250 m2. En janvier 2022, vingt millions seront collectés. « Le fonds est l’expression concrète d’une large prise de conscience de la nécessité de réparation due aux victimes mais il finance aussi des initiatives de prévention, précise Gilles Vermot-Desroches, président du Selam. Il faut aller vite et en même temps développer une pédagogie du temps long. »

En attendant, toujours à Lourdes, en novembre 2021, ce sont les supérieurs majeurs des instituts et congrégations qui se retrouvent sur les bords du Gave pour l’assemblée de la Corref. Les religieux ont pris de l’avance sur les évêques : le principe d’une démarche de justice restauratrice avait été acté dès le printemps 2021. Restait à valider la mise en œuvre de la Commission de reconnaissance et réparation (CRR), sous la présidence du magistrat Antoine Garapon : « Le rapport a visé juste en disant des vérités terribles, c’était un coup de tonnerre dans la société et dans le monde », confirme aujourd’hui l’ancien membre de la Ciase.

Faire de l’Église une maison sûre

Dans les communautés chrétiennes, le choc est rude. Les évêques ont à cœur de rassurer. Les rencontres se multiplient pour expliquer, mobiliser, inviter à lire les documents. Mais dans certains diocèses, l’évêque ne prend pas toujours la mesure des attentes. « Il y avait une table d’un côté, pour l’évêque, des chaises alignées en face, raconte un paroissien, dans un diocèse du nord de la France. Les organisateurs avaient tout faux : on espérait un échange, pas un discours. » Quelque chose est en train de changer dans l’Église en France : si certains catholiques écœurés quittent le navire, d’autres veulent saisir l’occasion de pousser en avant les réformes.

Toujours dans le Nord, les paroissiens prennent l’initiative : trois réunions permettent d’écrire une « charte en vue de la prévention et de la prise en compte des risques d’emprise psychologique et d’abus sexuels ». Un document que les mouvements et services paroissiaux pourront mettre en place, avec leurs propres moyens : « Il est très difficile de continuer à mobiliser localement lorsque le diocèse, tout en ayant mis en place les structures conseillées par l’épiscopat a, par peur, l’obsession de ne pas trop parler du sujet », constate un des initiateurs de la démarche.

200 personnes à la table ronde du diocèse de Marseille, 150 pour le doyenné du Vésinet, dans le diocèse de Versailles… La mobilisation passe aussi par les réseaux (#AussiMonEglise) et par la constitution de groupes tels « Agir pour notre Église » : « Je veux que l’Église soit une maison sûre. Sinon, comment confier mes enfants au catéchisme ? », souligne Jean-Joseph d’Andrault. Ce père de famille du sud de la France l’affirme : « Aujourd’hui, les prédateurs ne peuvent plus choisir la prêtrise pour accéder aux enfants de façon impunie. » Créée en juin 2019 pour répondre à la Lettre au peuple de Dieu du pape adressée aux laïcs le 24 août 2018, la structure Promesses d’Église, qui regroupe une quarantaine de mouvements, s’est, elle aussi, approprié le rapport.

Un rapport loin de faire l’unanimité

Le constat s’impose : contrairement aux apparences, le rapport Sauvé ne fait pas l’unanimité. L’attaque la plus violente vient de l’intérieur même : huit membres éminents de l’Académie catholique de France dont son président, le juriste Hugues Portelli, transmettent au pape un texte très sévère à l’encontre du travail de la Ciase, dénonçant « ses faiblesses méthodologiques, ses analyses parfois hasardeuses ». C’est notamment la projection statistique qui choque, et les quelque 216 000 victimes mineures estimées, un chiffre porté à 330 000 si l’on y adjoint celles des agresseurs laïcs travaillant dans des institutions ecclésiales.

« Je désire exprimer aux victimes ma tristesse, ma douleur pour les traumatismes subis, et aussi ma honte, notre honte, pour une trop longue incapacité de l’Église à les mettre au centre de ses préoccupations », avait déclaré le pape, au lendemain de la publication du rapport. À la lecture de la critique de l’Académie catholique, volte-face au Vatican : prévue le 9 décembre 2021, l’audience des membres de la Ciase avec François est reportée, puis purement annulée.

Les victimes sont atterrées par ce qui leur apparaît comme la négation de leurs souffrances et de leur combat. À l’inverse, certains critiques ou sceptiques du rapport Sauvé s’emparent du texte de l’Académie catholique pour justifier leurs réticences et éviter d’affronter le sujet des réformes dans l’Église.

Dépassant ce débat, une démarche en profondeur est initiée par l’Institut catholique de Paris (ICP) qui lance à la rentrée 2022-2023, un diplôme universitaire intitulé « Abus et bientraitance : Écouter, accompagner, prévenir », à destination des clercs et laïcs engagés dans l’Église pour mieux prévenir et lutter contre les abus sexuels, d’autorité ou de conscience. « Nous nous sommes dit qu’il fallait agir à tous les niveaux pour bâtir une Église sûre », expose Joël Molinario, directeur de l’Institut supérieur de pastorale catéchétique, au sein de l’ICP, et membre de la Ciase.

Des échos dans la société toute entière

Un an après, conformément à la recommandation n° 42, les évêques ont, dans une grande majorité, signé un protocole avec les autorités judiciaires (17 l’avaient fait avant la publication du rapport). Et les démarches continuent à se multiplier. Le 8 juin 2022, c’était le tour des cinq évêques de Bretagne. « Le protocole nous donne de la lisibilité sur les obligations légales et canoniques », relève alors le procureur général de la cour d’appel de Rennes, Frédéric Benet-Chambellan.

Le rapport Sauvé n’en finit pas d’enregistrer des échos dans la société tout entière. À l’image de la réaction d’Édouard Durand, magistrat et coprésident, avec Nathalie Mathieu, de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) : « En initiant la commission Sauvé, l’Église de France a largement contribué au mouvement de légitimité de la parole des victimes. La Ciase s’est inscrite dans le lent travail de prise de conscience dans la société. »

Saluant « la méthodologie rigoureuse » de la commission Sauvé, Édouard Durand invite à la vigilance face à « la fragilité des institutions dans lesquelles l’agresseur se glisse ». Dans l’Église tout comme dans la famille, l’école, les clubs sportifs… Alors qu’en un an, la Ciivise a enregistré 16 494 témoignages, Édouard Durand insiste sur l’importance de prise en compte de la parole des victimes : « La Ciase a créé un espace de reconnaissance. »

Abus sexuels dans l’Église : la déflagration du rapport Sauvé

En Vendée, la cellule d’écoute était en place bien avant la sortie du rapport Sauvé. Ses membres voient « un avant et un après » le rapport Sauvé. Si la première prise de parole des victimes est toujours une épreuve, elle est facilitée par l’écho médiatique. « Il y a notamment eu plus de femmes qui, agressées dans leur enfance, ont osé s’adresser à la cellule d’écoute », note la responsable, Marie-Pierre Chéreau. Ce sont aussi les familles qui se montrent plus investies, encourageant leurs proches agressés dans l’enfance : « Chaque fois qu’un média évoque la question, on voit arriver de nouveaux témoignages de victimes », insiste-t-elle.

Reste à s’approprier chacune des recommandations de la Ciase : en mars 2022, neuf groupes de travail sont formés avec des laïcs, portant, notamment, sur « la confession et l’accompagnement spirituel », sur le « partage des bonnes pratiques devant des cas signalés », ou encore sur « le discernement vocationnel et la formation des futurs prêtres ». Coordinateur de ces groupes qui doivent rendre leurs travaux en mars 2023, Hervé Balladur l’assure : « La centaine de participants est consciente des enjeux tout comme de la capacité de l’Église à se transformer. »

Cette invitation à plus de transparence s’impose aussi dans la vie religieuse. « Les communautés nouvelles étaient largement hostiles aux sciences sociales jusqu’alors, développe volontiers Samuel Dolbeau, chercheur à l’Université de Louvain (Belgique). Aujourd’hui, une nouvelle génération veut comprendre ce qui s’est passé lors des premières années des fondations. Elles ont besoin d’un discours externe sur elles-mêmes, pas seulement en lien avec le rapport Sauvé. »

Un rapport, et après

À l’étranger, les travaux de la Ciase sont reçus parfois comme un modèle du genre, parfois comme une procédure risquée. Au Portugal, les évêques emboîtent le pas à leurs homologues français et créent une commission nationale indépendante chargée de prévenir les abus sexuels sur mineurs et adultes vulnérables. En Espagne, ils nomment un avocat, Javier Cremades, qui dénombrera en six mois 1 000 à 2 000 cas d’abus.

Mais sa mission est limitée au recensement de ceux déjà révélés, conduisant les députés espagnols à lancer une commission d’enquête parlementaire sur les agressions commises dans l’Église, travaux auxquels les évêques refusent de participer. En Italie, l’épiscopat se démarque plus nettement de la méthode française : « En ce qui concerne la recherche (de la Ciase) en France, j’ai reçu trois enquêtes menées par des universitaires qui la démolissent », assène le cardinal Matteo Maria Zuppi, président de la Conférence des évêques italiens.

Sans se laisser démonter, Jean-Marc Sauvé prend son bâton de pèlerin et sillonne la France pour défendre son rapport et convaincre d’aller de l’avant dans les réformes, de Lourdes au festival des jeunes du Chemin-Neuf à Hautecombe durant l’été… Engagé en aumônerie, Antoine-Marie Bethenod a fait partie des laïcs associés à la réflexion des évêques lors de leur assemblée à Lourdes, en novembre 2021. À 22 ans, il espère « une réflexion dépassionnée » et invite à voir plus large : « Il faut inclure dans ces travaux toutes les sensibilités. L’Église a besoin de notre vitalité. »

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