Les derniers seront les premiers. La parole des pauvres au cœur de la synodalité

Collectif

Éd. de l’Emmanuel, 200 p., 17 €

Depuis plusieurs années, un groupe d’enseignants du Centre Sèvres (Facultés jésuites de Paris) approfondit les questions théologiques en cherchant à prendre en compte l’expérience et la parole des personnes en situation de précarité. L’ouverture, en octobre 2021, de la démarche synodale prévue pour durer jusqu’en 2023 les a conduits assez naturellement à s’interroger sur la place qui leur est faite : « Comment un tel exercice d’écoute pourrait être authentique si on laissait de côté les voix des plus pauvres ? », interroge François Odinet en ouverture de ce collectif, fruit d’une journée d’études organisée en janvier dernier au Centre Sèvres.

Le livre alterne des contributions de fond de personnes engagées à des titres divers dans la coordination du processus synodal ou dans l’écoute des plus pauvres, des témoignages recueillis lors d’une table ronde, ainsi que des textes du groupe « Place et parole des pauvres » rédigés en vue du rassemblement « Diaconia 2013. Servons la fraternité ».

En fin d’ouvrage, Nathalie Becquart, numéro trois du secrétariat général du Synode romain propose une relecture de l’ensemble. « Le rapport de la Ciase a révélé que les victimes possédaient un savoir d’expérience. Il en est de même des plus pauvres : ils témoignent de la vie possible au cœur des situations les plus difficiles, ils expérimentent souvent ce qu’est la traversée pascale qui constitue notre identité chrétienne. Nous pouvons apprendre d’eux cette dynamique pascale », écrit la religieuse xavière.

« La synodalité invite l’Église à devenir une Église apprenante », note-t-elle encore. Mais pour apprendre des plus pauvres, il ne suffit pas de les accueillir avec générosité. « Il ne suffit pas, non plus, de créer un événement où l’on demande aux plus pauvres de prendre la parole », prévient François Odinet. Solliciter et recueillir leur parole suppose « déjà, d’attester effectivement qu’ils sont légitimes pour prendre la parole, et que l’Église a besoin de leur pensée », poursuit le théologien.

À moins qu’ils parlent, mais que l’Église ne sache pas les entendre parce qu’elle est « sans oreilles » suggère Giacomo Costa dans un texte intitulé « Comment ceux que l’on n’entend pas peuvent-ils participer à un synode ? ».« Très souvent, cependant, les pauvres et exclus sont loin d’être muets : ils se montrent très audibles, voire bruyants. Leur cri ne prend pas alors la forme d’un gémissement, mais celle d’une protestation (…). Toutefois, cette protestation se heurte à des réactions de fermeture et de rejet, notamment de la part de ceux qui ont quelque chose à perdre au changement du statu quo », écrit le jésuite italien. Un propos qui éclaire les réticences de certains à l’égard de la démarche synodale.