Le scoutisme est une utopie
En une époque en recherche de sens et en rupture de transmission, ce mouvement apparaît comme une oasis rafraîchissante, une invitation adressée à notre société.
- Publié le 13-07-2023 à 13h18
Une chronique de Charles Delhez
Durant l’été, un peu partout, des camps vont fleurir dans le paysage belge. En Belgique, environ 180 000 garçons et filles sont engagés dans le scoutisme, soit près de 7 % des jeunes du pays. La Fédération Les Scouts d’origine chrétienne, dont je fais partie, en rassemble environ 66 000. Le projet éducatif de Baden-Powell a pour but le développement intégral des jeunes dans leurs dimensions affective, spirituelle, sociale, intellectuelle et physique. Bref, l’être humain complet. Sa méthode ? Le jeu, la vie en équipe, la simplicité au cœur de la nature, la prise de responsabilité, le langage symbolique et les rites. Tout cela mène le jeune hors de sa zone de confort. C’est toujours impressionnant d’assister à un rassemblement, avec les cris d’équipes, le salut louveteau ou scout, la formation en carré, ou à la ronde des totems.
Les deux piliers
Baden Powell considérait que les deux piliers du scoutisme étaient la Loi et la Promesse. “La loi scoute est établie comme guide des actes du scout et non comme instrument de répression de ses défauts”, disait-il. S’y déploie une certaine vision de la société. Selon son organisation mondiale, le scoutisme, en effet, “a pour mission de contribuer à l’éducation des jeunes afin de participer à la construction d’un monde meilleur peuplé de personnes épanouies, prêtes à jouer un rôle constructif dans la société”.
Quant à la promesse, peut-on lire dans Balises pour l’animation scoute, publiées par la Fédération, “elle marque l’adhésion aux valeurs de cette loi. Elle se vit habituellement chez les éclaireurs, mais d’autres moments qui la préparent ou la renouvellent peuvent ponctuer le parcours.”
Donner des repères aux jeunes et les appeler à s’engager, voilà le scoutisme. Ce mouvement se veut donc être un lieu de transmission et d’éducation aux valeurs. Et ce sont des jeunes aînés qui les transmettent à leurs cadets, selon une pédagogie de la progressivité. Par étapes, la compréhension de ces valeurs se développe, non pas comme un cours que l’on étudie, mais en les pratiquant et en les voyant pratiquées par les aînés ou par les pairs, notamment lors des camps. À chaque étape, chacun fera de son mieux pour les vivre.
Le principe spirituel
Les trois doigts levés du salut scout rappellent les trois principes du scoutisme, le principe social ou devoir envers les autres, le principe personnel ou devoir envers soi-même et le principe spirituel ou devoir envers Dieu. Le scoutisme est en effet habité par cette conviction qu’il existe une force qui dépasse l’Homme. Il cultive la recherche de sens et veut permettre à chacun de s’approprier l’héritage spirituel de sa communauté convictionnelle. La spiritualité est donc partie constitutive du scoutisme, avec une ouverture religieuse respectueuse des convictions de tous, celles de la majorité ou d’une minorité. Elle se vit et se ressent dans une discussion au coin du feu, en regardant les étoiles, en s’émerveillant de la beauté du paysage, en vivant des relations profondes et vraies, durant les cérémonies de la promesse, ou encore lors d’une messe libre.
Et la religion ? Elle reste présente, mais sans obligation. “Les animateurs sont des éveilleurs qui suscitent la réflexion et l’échange en s’appuyant sur des références, entre autres chrétiennes, pour aller au-delà de la conviction individuelle”, peut-on encore lire dans Les Balises. J’ai personnellement la chance d’être accueilli depuis plus de 20 ans une unité où les convictions sont variées, à l’image des temps qui sont les nôtres, mais où la foi chrétienne peut être proposée. Quelle richesse !
Le scoutisme est une utopie, au sens le plus positif du terme. “Lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve alors que lorsqu’on rêve à plusieurs, c’est déjà une réalité. L’utopie partagée, c’est le ressort de l’Histoire”, disait Dom Helder Camara. En une époque en recherche de sens et en rupture de transmission, ce mouvement apparaît comme une oasis rafraîchissante, une invitation adressée à notre société. Engagez-vous, qu’il disait !