Dans la petite cour ombragée de l’immeuble de la rue d’Assas, plusieurs élèves font la queue devant une table en bois. Trois jeunes femmes sont assises de l’autre côté. « First time here ? » (« Première fois ici ? ») demande l’une d’entre elles. « Non », répond un jeune homme au tee-shirt bleu, sac à dos de la même couleur, dans un français mal assuré. Comme plusieurs dizaines d’exilés, il est venu, ce mercredi matin, s’inscrire à l’école d’été du Service jésuite pour les réfugiés (JRS), à Paris.

Lancée en 2017, cette école accueille, pendant trois semaines de juillet, jusqu’à 60 personnes exilées pour des ateliers de conversation en français et des activités, sur inscription quotidienne. « L’été, la plupart des associations ferment, tandis que beaucoup d’étudiants et de jeunes nous sollicitent pour s’engager, retrace Pauline Blain, directrice de JRS Jeunes-France. L’école d’été est née de la rencontre de ce besoin et de la disponibilité de personnes locales. »

Les profils des élèves sont divers. La plupart sont en procédure de demande d’asile, bien que la question ne soit pas posée au préalable. Beaucoup sont de jeunes hommes afghans, mais quelques jeunes femmes ont fait le déplacement. Ils sont encadrés par 15 bénévoles, étudiants âgés de 17 à 25 ans, formés en amont pendant deux jours à la pédagogie français langue étrangère (FLE), aux statuts de la demande d’asile et à l’identité de JRS, « l’écoute de la clameur du monde chère aux jésuites », résume Pauline Blain.

Au terme des inscriptions, tous descendent dans une grande pièce en sous-sol pour lancer la journée et se répartir dans les groupes de niveau. « Ici, tout le monde est égal, hommes et femmes, différentes religions, on est ici pour apprendre le français dans la bienveillance », introduit Morgane, en service civique à JRS depuis un an, suivie d’Arif, qui traduit en dari, l’une des deux langues officielles d’Afghanistan.

Cet Afghan de 30 ans est arrivé à l’école d’été l’année dernière, après avoir passé cinq ans et demi en Suède. « En arrivant, je ne parlais pas du tout français, raconte celui qui vient de recevoir son statut de réfugié. J’ai trouvé beaucoup d’amis ici. À JRS, je suis chez moi. » Désormais professeur de volley dans le service pendant l’année, il est devenu un précieux relais pour les bénévoles d’été, dans la traduction et l’orientation des nouveaux venus. « JRS m’a beaucoup aidé, et maintenant c’est moi qui les aide », sourit-il.

Cette inspiration d’« être avec et pour les autres », comme le résume Kylian, lycéen de 17 ans bénévole pour l’été, est au cœur de la démarche du Service jésuite pour les réfugiés. Pendant la matinée, Gabrielle et Gallia, installées au sous-sol, font répéter des phrases simples aux 12 élèves assis en arc de cercle en face d’elles, de niveau débutant, qui se prennent au jeu. « Aujourd’hui, on va parler des transports, entament-elles, devant un tableau blanc. Vous en connaissez ? » Les uns après les autres, ils se lancent : « le train », « le métro », « le bus », sous les encouragements des professeures en herbe.

L’école d’été s’inscrit comme une halte dans des parcours de vie difficiles. À l’image de celui d’Alim, 28 ans, arrivé en France en 2020 après huit mois de marche à travers toute l’Europe. Heureux d’être à Paris, qu’il trouve « très belle », il a rejoint JRS depuis une semaine, grâce au bouche-à-oreille, et aux associations d’accompagnement de demandeurs d’asile qui les y orientent. En plus d’améliorer son français, les ateliers lui permettent d’échanger avec d’autres personnes et de rompre la solitude, le temps d’une journée.

Après un déjeuner au jardin du Luxembourg, quelques inscrits reviennent aux locaux de JRS pour participer à l’atelier de l’après-midi, dédié ce jour-là aux différences entre les langues. « Pour les bénévoles, nous organisons aussi des temps de relecture de leur semaine, le vendredi midi, comme une introduction à la spiritualité ignatienne », souligne Pauline Blain. Cette année, le Service jésuite pour les réfugiés organise pour la première fois un camp d’été avec le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), qui aura lieu fin juillet dans les Alpes. Deux exilés y participeront.