Robert Hossein : Le séducteur séduit !


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Robert Hossein : Le séducteur séduit !
Par La rédaction
Publié le
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Robert Hossein, décédé en ce dernier jour de 2020, était un séducteur! Ainsi est-il apparu dans le film Angélique qui l’a fait connaître. Sa vie ne fut guère stable au point de vue sentimental. Et pourtant, il s’est aussi laissé séduire par le Christ! Evocation.

Robert Hossein, né Abraham Hosseinoff, le 30 décembre 1927 à Paris et mort ce 31 décembre 2020, près de Nancy, au lendemain de ses 93 ans. Fils du compositeur azéri André Hossein, de confession zoroastrienne, et d’Anna Mincovschi, comédienne juive native de Moldavie, il a multiplié les casquettes: réalisateur, acteur, scénariste, dialoguiste, metteur en scène, directeur de théâtre, romancier.

Une success story
Sa vie, après une enfance sous le signe de la pauvreté, décousue et privée d’affection (lire La sentinelle aveugle, Le Livre de Poche 5522) – "Je suis celui qui ne se débarrasse jamais de son enfance" – est une véritable success story. Un détour par Wikipédia permettra d’être impressionné par le nombre de ses prestations et réalisations. Il n’hésitait pas à mobiliser le Palais des Sports de la Porte de Versailles et le Stade de France pour ses grands spectacles historiques ou religieux qui tenaient l’affiche durant des semaines.
C’est dans la quarantaine qu’il avait demandé le baptême tandis qu’il faisait baptiser son quatrième fils, Julien. "Trempez-moi aussi, tant que vous y êtes!", avait-il déclaré au prêtre. Il était en effet "turlupiné" depuis toujours par la foi. "Dieu s’impose à moi avec une vigueur de plus en plus grande", a-t-il pu écrire. Souvent depuis lors, il mit ses talents multiples et sa séduisante personnalité au service de l’Evangile.
Ses spectacles sur Jésus furent de grands succès: Un homme nommé Jésus (1983), Jésus était son nom (1991), Jésus, la résurrection (2000). Il figure dans le livre des Records, et insistait-il, non tant par vanité personnelle que pour dire qu’il y a encore moyen d’intéresser avec l’Evangile.

Jésus était son nom
"Grandiose" me déclarait un enfant à la sortie du spectacle Jésus était son nom. Cette impressionnante fresque était en fait un double spectacle: cinéma et théâtre en perpétuel fondu-enchaîné. Au cinéma (une centaine d’acteurs) comme au théâtre (une soixantaine), c’était un mime: les personnages ne parlaient pas. Une voix off venait d’ailleurs et atteignait le public de plein fouet. Pendant deux heures, rien que l’Evangile, pas un mot de plus. "C’est Jésus tel qu’il est. Je ne suis qu’un relais."
Grandiose et total. Le public lui-même faisait partie du spectacle. C’est de son milieu que sortaient les douze apôtres et c’est vers lui qu’ils retournaient à la fin, envoyés par le Ressuscité. C’est dans le public que Judas fuyait. Tous les spectateurs étaient invités à manger du pain lors de la scène de la multiplication des pains, et il y en avait pour tout le monde! C’est aussi du sein de la foule que venaient les cris: "Crucifie-le!"

L’urgence du message
Pour Robert Hossein, il s’agissait de faire entendre ce message d’amour. Peut-être, se disait-il, qu’un spectacle peut réussir là où les sermons ont échoué. "Je suis un optimiste désespéré, me confiait-il en 1991. Je crois que l’homme est au bord du gouffre pour n’avoir pas pu assumer et gérer la terre. Il a saccagé la terre en se saccageant lui-même. Tout ce à quoi nous assistons aujourd’hui et qui devrait être signe d’une espérance – l’homme retrouvant son autonomie, sa liberté – va déboucher sur la plus grande des catastrophes si cette liberté n’est nourrie par rien. Suivez dix pour cent des Evangiles et vous avez la recette d’une société parfaite." Prémonitoire!
Le Jésus de Robert Hossein s’adresse en priorité aux humiliés, aux déshérités d’il y a 2000 ans et d’aujourd’hui. Et en effet, plus d’une fois il arrive qu’en regardant le spectacle, on ne sache plus si on est il y a 2000 ans ou 20 siècles plus tard.
Robert Hossein était saisi par l’urgence du message christique. Il reconnaissait avoir mis dans son adaptation, un ton apocalyptique. "J’en veux plus aux croyants qu’aux non-croyants. Cela ne suffit pas de se serrer la main dans les églises." Et notre interlocuteur de rendre hommage à Amnesty International, Médecins sans frontières, Caritas, Mère Teresa, des champions de l’humanitaire. Son Jésus, en effet, ressuscite sans gloire, misérable. Il s’identifie aux plus pauvres d’aujourd’hui. "Jésus, un homme que nous pourrions reconnaître parmi les victimes de toutes les tragédies actuelles."

Marie, pour conclure!
Robert Hossein n’était jamais venu à Lourdes avant l’été 2009. Sans doute avait-il peur de cette "barricade commerciale", selon ses mots. De plus, cet homme de foi et de prière, qui avait toujours dans son portefeuille une image de sainte Thérèse de Lisieux, faisait peu de place à la Vierge Marie. Allant voir un de ses fils jouer au Festival de Gavarnie, il visita la ville et fut séduit. Son enthousiasme habituel fit le reste. "J’ai eu un choc en voyant Lourdes. Je me suis écroulé en larmes. Je me suis dit qu’il fallait tenter quelque chose."
C’est que Robert Hossein percevait dans le phénomène Lourdes un foyer d’espérance. Or il en avait bien besoin, lui qui, lorsqu’on voulait le photographier, disait qu’il lui était difficile de sourire vu l’état du monde. "Il y a urgence de prendre en charge le désarroi et la misère qui n’ont jamais été aussi marqués que ces derniers temps", déclara-t-il à un journaliste. "Si nous n’avons pas le pouvoir de guérir, nous avons celui d’aimer, d’aider, de partager... avant qu’il ne soit trop tard." C’était son dernier grand spectacle, joué d’abord sur l’esplanade des sanctuaires.
Robert Hossein se proclamait "dramatiquement croyant". Il aimait interpeller son public. Ainsi, en finale de son spectacle sur Jean-Paul II, l’acteur qui le jouait se tournait vers l’assistance: "Vous êtes tous l’espérance du monde!", lui lançait-il. Le public était conquis. Il applaudissait, debout. Ce grand artiste a maintenant tiré sa révérence. Applaudissons-le à notre tour!

Charles DELHEZ sj

Catégorie : International

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