Le P. Gustave Martelet sj, auquel vient d’être attribué le Prix Cardinal Grente 2013 attribué par l’Académie Française, partage sa relecture du Concile Vatican II où il a participé comme expert, avec les petites Sœurs des Pauvres dans « Ma Maison » de Paris Notre-Dame-des-Champs.

Un concile, c’est une réunion qui regroupe la totalité des évêques autour d’une nécessité vitale de l’Église au service de son unité sur une question essentielle concernant la foi.

Les premiers conciles

Le premier a eu lieu à Jérusalem au temps des Apôtres et de l’Église naissante (autour des années 50 après J.-C.). Il s’agissait alors de savoir si la conversion des païens au mystère du Christ comportait nécessairement pour eux la pratique de la loi mosaïque, pour ne rien dire de la circoncision. S’il en était ainsi, c’était le signe que le Christ n’était pas, par lui-même, le Sauveur et le Seigneur attendu, et cela avait pour conséquence de limiter considérablement l’extension de l’Évangile et de l’Église aux seules frontières du judaïsme. Ce ne fut pas le cas et, grâce à cela, l’Europe, pour ne parler ici que d’elle, fut évangélisée. C’est dire que ce concile n’est pas étranger à notre appartenance au mystère bien compris du Christ et de l’Église.

Par la suite, l’Orient chrétien connut plusieurs autres conciles importants dont ceux de Nicée (325), de Constantinople (381), de Chalcédoine (451) qui garantirent que le Christ, comme Fils de Dieu dans la chair, était aussi authentiquement Dieu que totalement homme.

En Occident, les grands conciles comme celui d’Orange (523) et de Trente (1545-1563) se préoccupèrent avant tout de questions sur le rapport de la liberté et de la grâce dans la conversion au Christ ; les conciles de Latran IV au Moyen-Âge (1215) et plus encore de Vatican I (1869-1870) travaillèrent des questions concernant la nature de l’Église et du rôle particulier du Pape comme son chef visible en tant que successeur de Pierre.

Une mise au jour et une mise à jour

Le second concile de Vatican (1962-1965) eut ceci de particulier que, tout en s’occupant lui aussi de la pureté de la foi, il le fit dans le souci prédominant d’en parler de telle sorte que le monde lui-même — et pas seulement les théologiens et les fidèles — se sente profondément concerné.

En effet, le Pape Jean XXIII, qui eut en 1959 l’intuition que ce nouveau concile était nécessaire, ne put s’empêcher de penser qu’il pourrait être l’occasion d’une nouvelle Pentecôte à condition d’être un véritable aggiornamento, c’est-à-dire une mise au jour et une mise à jour du message de la foi dans une fidélité ouverte et ouvrante aux nécessités spirituelles du monde.

Car, comme il l’a dit en inaugurant le concile, « autre est le dépôt lui-même de la foi » (c’est-à-dire le trésor vivant de la Révélation), « autre est la forme sous laquelle il doit être exprimé en lui conservant toutefois le même sens et la même portée ».

C’est pourquoi, dès le début de la Constitution sur l’Église (Lumen gentium), le concile déclare : « Le Christ est la lumière des peuples : réuni dans l’Esprit-Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église » (Cf Marc 16, 15).

Comment le concile peut-il parler du visage resplendissant de l’Église alors qu’elle se trouve si profondément critiquée qu’un aggiornamento lui est indispensable… ?

Il s’en explique aussitôt : « L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, elle se propose de préciser davantage, pour ses fidèles et pour le monde entier, en se rattachant à l’enseignement des précédents conciles, sa propre nature et sa mission universelle. A ce devoir qui est celui de l’Église, les conditions présentes ajoutent une nouvelle urgence : il faut en effet que tous les hommes, désormais plus étroitement unis entre eux par les liens sociaux, techniques, culturels, réalisent également leur pleine unité dans le Christ. »

Si bien qu’aucun être humain ne puisse se penser étranger à la Révélation et à l’amour du Christ, quelle que soit sa condition d’âge, de sexe, de continent, de race, de langue, de culture, mais aussi sa condition économique, sociale ou politique. Bref, l’Église est celle du Christ et elle l’est dans l’Esprit Saint pour le monde entier de tous les temps et notamment de notre présent non moins que de notre avenir.

« L’Église est celle du Christ et elle l’est dans l’Esprit Saint pour le monde entier de tous les temps »

Sainte…et toujours à purifier

Dans ces conditions, le concile a pu préciser, dans son Décret sur l’œcuménisme, en quoi consistait non pas seulement la catholicité, mais la sainteté de l’Église.

Au lieu de s’en tenir à cette pure affirmation qui paraît si souvent contestable, il déclare sans hésiter qu’« Elle est vraiment sainte » (et il le fait au nom du rapport singulier et de soi inébranlable qu’Elle a avec le Christ) mais il ajoute aussitôt qu’Elle est « toujours à purifier » en raison de la condition pécheresse de ceux qui la composent et donc aussi de ceux qui la gouvernent.

Parlant ainsi de l’Église — tête et corps —, la Constitution sur la Révélation (Dei Verbum) la décrit comme étant l’héritière apostolique de ceux qui furent et qui restent pour toujours les témoins oculaires de la Révélation de Dieu dans le Christ :

« Ce qui était dès le commencement,
ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux,
ce que nous avons contemplé
et que nos mains ont touché du Verbe de vie,
car la vie s’est manifestée, et nous avons vu
et nous rendons témoignage
et nous vous annonçons la vie éternelle,
qui était tournée vers le Père et s’est manifestée à nous —,
ce que nous avons vu et entendu,
nous vous l’annonçons, à vous aussi,
afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous.
Et notre communion est communion avec le Père
et avec son Fils Jésus Christ
Et nous écrivons cela pour que votre joie soit complète. »
1ère épître de Saint Jean  ch.1,1-4

C’est en cela que Vatican II reste, pour l’ensemble de l’Église et pour notre temps, la condition d’une nouvelle pentecôte par le fondement divinement irremplaçable qu’il donne à l’ouverture rénovatrice qu’il nous propose.

> Source : article dans la revue Découverte des Petites Sœurs des Pauvres  N°301 octobre 2013