Le P. Pascal Gauderon sj, ancien aumônier général de Saint-Louis-de-Gonzague (« Franklin ») à Paris pendant huit années, raconte la joie dont il a été témoin.

Les activités proprement religieuses ont une grande importance à Franklin, mais la pastorale englobe un champ plus large. Les Journées Missionnaires (vaste mobilisation pour mettre les divers talents au service des missions, plus de 60 projets aidés chaque année), le PAS (projet d’action sociale, obligatoire en 1ère), mais aussi une certaine façon de concevoir l’éducation et l’instruction, de travailler ensemble, de découvrir le monde, de s’y engager… relèvent bien d’un unique projet pédagogique : ‘former des hommes et des femmes pour les autres’.

Un vaste terrain

Franklin, c’est 1850 élèves, de la 12e aux prépas, soit 1200 familles, et environ 150 professeurs et employés. 200 parents d’élèves et anciens sont catéchètes, 300 oeuvrent dans les Journées Missionnaires. Les lieux (chapelles, salles KT, bureaux…), temps (1h par semaine en moyenne, retraites et célébrations), et moyens (budget, salariés…) existent bien. La communauté chrétienne sait se rassembler avec ferveur et dynamisme lors de grandes célébrations.

La fresque classée de la Grande Chapelle (La vie deSaint Louis de Gonzague)

La fresque classée de la Grande Chapelle (La vie de Saint Louis de Gonzague)

À voir tout cela, programme catéchétique bien fourni, signes concrets de la présence chrétienne dans toutes les instances de l’institution, engagement de tant de personnes de grande qualité humaine et spirituelle, comment ne pas rendre grâce ? Pour un jeune aumônier, quel beau terrain pour débuter son ministère !

Chercher la cohérence

La question de la cohérence demeure, depuis la mission même de Franklin jusqu’à l’irrigation réelle du quotidien par l’esprit de l’Évangile : entre le pôle d’élitisme social, intellectuel et économique, et le pôle d’éducation ignatienne, est-ce une tension créatrice ou une schizophrénie ? L’Évangile y est-il force de conversion, ou caution molle du système ?

Cette question se pose à tous niveaux : attentes diverses et parfois ambiguës à l’égard de la présence jésuite (sauveur universel omnipotent ? accompagnateur ? prêtre ? témoin ? partenaire pour discerner ? présence gratuite et amicale ? etc.), ou de l’inspiration jésuite (projet vendeur, ou souffle interrogeant librement les finalités et les moyens pris pour les atteindre ?), comme programmes et organigrammes KT (fruits d’une histoire complexe).

La difficulté d’évaluer

Il est difficile de cerner la vie pastorale d’un établissement parce que l’on manque de critères précis pour en évaluer la fécondité ! Le nombre dit peu, et l’on soupçonne autant les succès de masse que l’on déplore la ferveur confinée au petit reste. La bonne marche des choses maîtrisées peut relever d’une simple mécanique, comme le jaillissement anarchique relever de l’Esprit. Le contentement immédiat des ‘clients’ risque d’entretenir des réflexes démagogiques de la part des ‘organisateurs’ de la vie pastorale, tandis que les fruits à long terme ne relèveront pas forcément de notre seule action : si les franklinois sortants sont des hommes et des femmes pour les autres, ce peut être grâce à Franklin, mais aussi en dehors de Franklin, voire malgré Franklin !

4ème de Franklin aux laudes à Montmartre

Pèlerinage à Montmartre des élèves de 4e, partis de Franklin à 6h pour aller aux Laudes

En partant, reste la joie

La joie de la foi, dont j’ai pu être témoin ; ‘activement’ (par une façon d’être, par la joie de vivre et de donner au quotidien, par la prédication et l’accompagnement, par l’enseignement religieux comme les conversations de couloir) et ‘passivement’ (contempler une communauté croyante et célébrante; admirer l’œuvre de Dieu dans les coeurs et les vies).

La joie de l’espérance, référant à la fécondité du Royaume éternel le labeur quotidien, et visant une gloire de Dieu plus grande dans chaque action entreprise ou accueillie. La joie de l’amour, dans la simple présence bienveillante, la connaissance réciproque devenant communion par la force de l’amitié et de la prière, dans la chapelle comme dans la cour, dans le rire comme dans les larmes, dans le léger et le grave, dans la gratuité des relations fraternelles qui construisent et anticipent la vie éternelle.

P. Pascal Gauderon sj

> Pour en savoir plus :
Le site de Saint Louis de Gonzague
Au contact des jeunes, les prêtres soucieux de garder la «bonne distance» Pascal Gauderon sur La-Croix.com