N’as-tu pas entendu son pas silencieux ?
Il vient, vient, vient à jamais
(Tagore)

Jean ENGLEBERT est né le 7 novembre 1929 à Ougrée dans la banlieue liégeoise, où son père tenait un commerce de chaussures. C’est à Liège qu’il étudia, avant de rejoindre à Namur le Collège Notre-Dame de la Paix, logeant à l’Institut missionnaire tenu par les jésuites : son entrée au noviciat (à Arlon, en 1948) se fit « assez naturellement », disait–il. C’est là qu’il demanda à partir comme missionnaire en Inde. La préparation fut patiente, notamment au fameux juvénat indien de La Pairelle ; le départ pour Calcutta eut lieu en 1956. À l’époque, le voyage se faisait en bateau. Départ sans pathos : Louis GALLEZ a raconté comment il tint seul compagnie à Jean, jusqu’à l’heure de l’embarquement fixé un 31 décembre dans une Naples déserte…

On retrouve Jean à Kurseong (district de Darjeeling) de 1959 à 1963 pour les études de théologie. Il est ordonné prêtre en mars 1962 et il vit son Troisième An, en 1963, à Sitagarha.

En 1964, il est nommé à Calcutta, vicaire à Sainte-Thérèse (de Lisieux), paroisse fréquentée par celle qui deviendra sainte Thérèse (de Calcutta). Il s’y occupe des Jocistes, des CVX, de la chorale, et c’est là qu’il entreprend avec enthousiasme ce qui est sans doute l’œuvre de sa vie, la traduction en bengali de textes liturgiques. Suivra la traduction de manuels catéchétiques, de commentaires bibliques, d’ouvrage pastoraux, tous nés du mouvement de renouveau conciliaire. Plus tard, avec le même désir de stimuler la vie catholique en Inde, Jean s’attaquera aux encycliques et messages de Carême de Benoît XVI. Les chorales paroissiales lui doivent également un vaste recueil de cantiques composés dans leur langue.

Lorsque l’église de la « Church of Scotland » fut achetée par les jésuites en 1969, Jean disposa d’un beau lieu de culte, lumineux et ouvert, où il eut à cœur de déployer une liturgie inculturée. Et il fit école : tel geste, tel symbole, bien reçu à Lord Jesus – pardon, Prabhu Jisur Girja – a depuis trouvé sa place dans la liturgie officielle.

À cet homme, Bengali parmi les Bengalis durant plus de 60 ans, qui pratiquait le yoga, qui aimait se baigner fréquemment dans le Gange avant de confier son corps émacié aux masseurs de la rive, il fut un jour signifié que sa santé exigeait les soins de la médecine européenne… Ni le nombre, ni la beauté des fêtes d’adieu qu’on multiplia en son honneur (il lui fut promis l’immortalité au Bengale puisque jusqu’à la fin des temps on utiliserait tous les jours ses traductions liturgiques), aucune marque d’admiration affectueuse ne parvint à adoucir vraiment la rigueur de cette décision. À la communauté de La Colombière (Bruxelles) où il vécut encore cinq ans, on vit ses forces et sa voix s’éteindre lentement, jusqu’à ce 7 septembre 2021 où il put achever de dire, dans la pleine Lumière (en bengali sans doute) : « D’une peine à une autre peine, c’est son pas sur mon cœur qu’il oppresse ; quand luit ma joie, c’est au toucher d’or de son pied. » (Tagore).

Philippe ROBERT sj