Le P. Philippe Wargnies sj compose une méditation poétique pour chaque dimanche de l’Avent. Ces compositions se déploient dans la récitation à haute voix, pour mieux goûter leur sonorité et leur couleur rythmique. Un écho priant, ouvrant à l’attente de la naissance.
Pour le temps de Noël
ÉTOILE pèlerine élue au firmament,
Toi qui, dès la genèse, allais, grave et pensive
À voir l’humanité voguant à sa dérive,
Écoper loin de Dieu son propre égarement…
Toi qui, de l’altitude où tu scrutes le monde,
Entrevoyais l’abîme où versent nos lourdeurs,
Tandis que notre Dieu sonde la profondeur
Diluvienne des maux dont nos âmes s’inondent…
Étoile de l’attente, en qui le long désir
De l’Alliance promise allumait l’espérance,
Vigile pour cette heure où Dieu prendrait naissance,
Longanime lueur, ô braise d’avenir…
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Voyageuse ancestrale en route vers l’étable,
Toi qui vécus sans doute autant que l’univers
Avant que ta lumière, unique au ciel ouvert,
Attire notre quête au pôle véritable…
Nomade sidérale au cortège des cieux,
Témoin de leur patience immense et millénaire,
Tu veillas de toujours, ô sage luminaire,
Jusqu’au soir où l’éclat de tes feux silencieux
Scintilla dans le noir : Dieu disait sa jeunesse
Et son hymne de vie en prenant notre chair
D’une femme bénie. Et l’obscur se fit clair :
Dieu voyait notre jour pour que l’homme renaisse.
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ETOILE, conduis-nous jusqu’au Verbe incarné,
Fais-nous voir cette source où la grâce ruisselle,
Guide-nous vers la crèche où la paille étincelle,
Etoile, montre-nous Jésus, le Premier-Né,
Qu’ensemble nous chantions le visage d’aurore
De Celui qui te fit radieuse en te créant
Puis rêva, pour sauver son œuvre du néant,
Qu’en ton sillage d’or approchent et l’adorent
Le mendiant d’innocence et le chercheur de Dieu,
Le mage au cœur d’enfant, le berger solitaire…
Chaque pécheur enfin, qui, s’ouvrant au mystère,
Ose en croire son âme aussi bien que ses yeux.
Quatrième dimanche de l’Avent
(Lc 1,26-38)
Le jour se lève en Galilée.
Marie, sans trop savoir pourquoi,
À l’aurore de sa journée,
Se souvient de David, le Roi.
Sur les hauteurs de la Judée
Dieu lui promettait par Nathan
Un fils issu de sa lignée,
Ce messie, le peuple l’attend…
Quand donc, Seigneur, se dit Marie,
Verra-t-on venir cet enfant
Pour couronner la dynastie
Dont ton amour s’est fait garant ?
– – – – –
Le jour pointe sur les collines.
Dans sa prière, Élisabeth
Pense à sa plus jeune cousine,
Dans sa maison de Nazareth.
Il faudrait bientôt qu’elle apprenne
Que s’annonce un petit cousin !
Qu’au plus haut de l’Alliance ancienne
Jean déjà s’anime en son sein !
– – – – –
À son ouvrage d’ébéniste,
Tendrement s’applique Joseph.
Il parfait son œuvre d’artiste
Par cette gravure en relief :
« À Marie, ma douce promise ».
Le berceau, tout en olivier,
Guettera, là dans la remise,
Le jour qui les verra mariés…
– – – – –
Le jour se lève pour le monde.
Le saint Archange Gabriel
À celle en qui la grâce abonde
Dit le salut venu du Ciel.
Il attend la libre réponse
Dont la servante du Seigneur
Veuille accueillir l’immense annonce
Dans la foi pure de son cœur.
Et Marie conçoit la Parole.
L’Esprit la suscite en son Oui.
Et l’aile de l’Ange la frôle.
Dieu fait silence. Rien ne bruit.
Troisième dimanche de l’Avent
(Jn 1,6-8.19-28)
Jean est son nom, confessa son père.
Il contemplait, enfin sous ses yeux,
Son fils, leur fils, ce cadeau de Dieu.
Grâce octroyée sur tant de prières.
L’enfant grandit, selon la promesse.
La main de Dieu sur lui reposait.
Elisabeth priait en secret
Pour leur enfant depuis sa grossesse.
Puis vint un jour, près de Béthanie,
Où sans retour Jean prophétisa.
Son Rédempteur, il le baptisa
Là, dans les eaux de Transjordanie.
Dès ce moment, Jean ne peut plus taire
La vérité qui couve en son cœur.
Dieu l’a voulu, lui, le précurseur,
Pour témoigner de la vraie Lumière.
Jusqu’à crier, Jean cite Isaïe.
Dieu veut que tous par lui puissent croire
En leur Sauveur au cœur de l’histoire.
Tel est le seul tourment de sa vie.
Il tient son rôle et connaît sa place.
À la question : mais qui donc es-tu ?
Pour dissiper tout malentendu
Jean sans détour, l’affirme et s’efface :
« Je ne suis pas Celui que j’annonce.
Non, je ne suis en rien le Messie.
Je ne suis pas le prophète Élie.
Mais Christ me suit. Voilà ma réponse. »
Que nous dis-tu de plus de toi-même ?
« Tout simplement, moi je suis la Voix
Dans le désert pour que chacun soit
De par le mien, prêt à Son baptême.
C’est ma mission d’être son prophète
Et rien de moins ni surtout pas plus.
J’y fus promis tout petit fœtus.
S’il faut qu’un jour j’y laisse ma tête
Puissé-je avoir aux cœurs, aux oreilles
Bien désigné Celui qui nous vient.
Lui qui déjà, sans nul bruit se tient
Là, parmi vous, grâce sans pareille. »
Deuxième dimanche de l’Avent
(Mc 1,1-8)
Aux prémices d’évangile
De Jésus-Christ, Fils de Dieu,
Isaïe, verbe de feu,
Vibre d’attente vigile.
Sentinelle du désert,
Sa voix provoque à l’écoute.
Debout ! Frayez une route
Comme un chemin grand ouvert
À Son arrivée prochaine.
Le sentier soit dégagé
Sous les pas du messager.
De vos monts devenus plaine,
D’égarements révolus,
De superbes rabaissées,
Sur vos fautes confessées,
Dieu fait germer son salut.
Miel sauvage et sauterelles,
Ceinture de cuir aux reins,
Poil de chameau, voix d’airain,
Héraut de Bonne Nouvelle !
Ainsi survient le Baptiste
Précurseur âpre et soudain.
Les méandres du Jourdain
S’en étonnent : peu résistent
À se mettre en conversion.
Les traits de ses prêches rauques
Taraudent les âmes glauques
Au creuset des confessions.
Même de Jérusalem
Les foules viennent à lui.
Jean dit : Voici que me suit
Pour un tout autre baptême
Source d’une autre naissance
Celui qui derrière moi
Mais plus digne et fort que moi
Plongera vos existences
Au fleuve de l’Esprit Saint
Qui coulera de son sein.
Premier dimanche de l’Avent
(Mc 13,33-37)
Veillons à travers les saisons.
Que les arbres enfin fleurissent
Ou que du soir déjà faiblisse
La lumière sur l’horizon,
Restons en tenue de service.
Ne négligeons pas l’oraison.
Que le portier ne s’assoupisse,
Que notre cœur ne s’alourdisse,
Tenons-nous prêts à tout moment.
Nous ne savons pas trop comment
Ni quand, du maître de maison
Le doux visage, à l’improviste,
Nous redira que Dieu existe.
Jour de tisons ou fenaison,
Chant du coq ou cri dans la nuit,
Il nous reviendra de voyage.
Il nous est parti sans bagage
Hormis son amour infini
D’un ciel qui bénisse la terre.
Dans l’attente de son retour
Au fil des ans, au fil des jours,
Restons les témoins des mystères
Du Royaume au cœur de ce monde.
Que l’évangile ensemencé
Poursuive l’œuvre commencé
Par sa grâce en glèbe féconde.
Vivons son amour à jamais.
Qu’à l’heure où reviendra le maître
Son apparaître à nos fenêtres,
Flamme d’hiver, bourgeon de mai,
Du vrai bonheur soit le prélude,
Aux serviteurs donne la joie.
Que son jour son heure nous soient
L’entrée dans sa béatitude.
Philippe Wargnies sj
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Veillons à travers les saisons. Que les arbres enfin fleurissent Ou que du soir déjà faiblisse La lumière sur l’horizon, Restons en tenue de service.