« L’intuition fondamentale du P. Joseph est de rendre les pauvres à l’Église et l’Église aux pauvres ». 

À l’occasion du centenaire de Joseph Wresinski, les Editions jésuites publient cette biographie qui est la seule présentant la dimension spirituelle et sacerdotale du fondateur d’ATD Quart-Monde.

Qu’est-ce que cette édition augmentée apporte de neuf ?

Ce livre communique au public une anthologie des nouveaux documents archivés au Centre Joseph Wresinski (Baillet-en-France). Ce partage permet de mieux comprendre ce prêtre innovant que fut Joseph Wresinski en devinant sa voix presque en direct. Ce livre recueille ses précieux conseils pour la fraternité qu’attendent les pauvres et pour la pastorale de l’Église.

Dans la solidarité avec les pauvres, le pape François a récemment institué la Journée mondiale des pauvres. Le livre s’inscrit-il dans cette ligne ?

Oui, c’est une même ligne : celle de la « mission de Dieu » aujourd’hui, comme a dit Benoît XVI. Avec le pape François, le désir du Seigneur de mettre les pauvres au centre est devenu un projet à construire ; le Père Joseph l’a vécu à la manière d’une amorce. Ne serait-il pas en Jésus un grain de blé tombé en terre, qui va porter beaucoup de fruit ?

Aujourd’hui l’islam aussi se pose en défenseur des pauvres. Le Père Joseph s’adressait-il aux musulmans ?

Le Père Joseph avait des amis musulmans ; il s’adressait à toute personne, donc oui aux musulmans aussi. Il savait que les pauvres ont une place au coeur de l’islam comme de toutes les religions. Il a rencontré des musulmans en France, en Afrique. Il voulait que chacun puisse partager le meilleur de soi-même. Avec Joseph Wresinski, nous pouvons mener un dialogue interreligieux par l’action.

Le Père Joseph se réjouirait de tout l’effort de diaconie de l’Église, n’est-ce pas ?

Oui, bien sûr ; il était d’Église, et encourageait tout effort de servir davantage les pauvres. Ce qui est neuf dans les courants récents en Église, c’est la fraternité renforcée des riches avec les pauvres, les nantis qui se mettent à l’école des pauvres, le croisement des savoirs ; le Père Joseph Wresinski encourage la convivialité joyeuse des riches et des pauvres rassemblés dans la fête à la même table, il met aussi tout le monde ensemble à la recherche des plus pauvres, pour apprendre d’eux.

Comment ce livre prend-il place dans le cadre des festivités d’ATD Quart Monde cette année ?

Les anniversaires célébrés cette année par le Mouvement ATD Quart Monde, et en particulier le 100ème anniversaire de la naissance de son fondateur se présentent comme une occasion d’approfondir différents aspects de sa pensée, de son message, de sa spiritualité. Et dans ses aspects, sa théologie, même s’il se défendait d’être lui-même un théologien, sa vision du Christ, de l’Église, du sacerdoce, trouvent naturellement leur place. Sans partager nécessairement la foi chrétienne qui anime le fondateur d’ATD Quart Monde, tous s’accordent sur la nécessité de prendre en compte cette dimension dans nos efforts pour comprendre son message. Sans doute les chrétiens seront-ils davantage concernés et interpellés, mais ce livre éclairera aussi ceux qui ont d’autres convictions.

Le Père Joseph Wresinski s’est-il tourné vers les non-croyants?

Des personnes de différentes convictions religieuses et philosophiques ont toujours trouvé en lui quelqu’un d’accueillant, qui ne cherchait qu’à les valoriser dans leur disponibilité aux pauvres. Il insistait sur le devoir de tous s’unir pour détruire la misère.

Quelle espérance se profile à l’horizon, à la lumière de l’enseignement du Père Joseph ?

Prendre en compte les plus pauvres est un germe de paix. C’est un acte de justice qui est capable d’opérer l’harmonie au sein de l’humanité dans la tempête. Les pauvres ont pour mission de montrer la direction, suivons-les, apprenons d’eux les droits humains et la paix !

Ce livre rappelle sans doute les idées forces du Père Joseph. Comment les résumer ?

Dieu refuse la misère. — Le Christ Jésus est né misérable, est mort misérable. — La misère est devenue instrument du salut. — Les pauvres sont donnés à l’Église et au monde comme les premiers témoins du salut, ils ouvrent les chemins de la justice. — Grâce à Dieu, la civilisation de l’amour est possible. — Toute personne peut s’offrir à la tâche et faire sien le devoir de s’unir pour promouvoir les droits humains. — Aimer les pauvres est ce qui les libère vraiment ; c’est une attitude à la portée de tous et en même temps sacrale (516, 562).

Quelles sont les « bonnes pages » du livre ?

Quand et comment « l’abbé Joseph Wresinski » a été nommé pour la première fois« Père Joseph » (37-38, citant le témoignage de Bernard Jährling dans Pierre d’homme). — Une preuve de l’existence de Dieu à partir de la misère (89-96). — La photo de Notre-Dame de ceux qui n’ont rien, place de la Sainte-Vierge, au camp d’accueil des sans-abris de Noisyle-Grand (133). — L’universalisme de la pensée de Joseph Wresinski (151). — L’amour des pauvres, la vraie réponse à la misère (150, 155-6). — Les atomes crochus entre les jeunes et le Père Joseph dans l’évangélisation (602). — L’enchaînement des titres est très soigné (voyez la table des matières).

Y a-t-il des intuitions inédites particulièrement marquantes dans ce livre ?

Dans Les pauvres sont l’Église, le Père Joseph Wresinski affirmait l’extension du sacerdoce à toute personne, même en dehors du baptême ; les homélies nouvellement découvertes confirment cette pensée. — Le fondateur d’ATD apparaît plus que jamais comme un homme de réconciliation, novateur mais capable de donner à tous une place, brûlant de voir advenir la justice au bénéfice des plus petits mais plein de patience et de miséricorde. — En somme, il vit à sa manière l’Évangile à fond, avec des accents propres étonnants, comme lorsqu’il dit que le pardon doit aller jusqu’à témoigner aux violents tellement de tendresse que nous en venons à leur faire oublier qu’ils nous ont fait du tort (525) !

L’auteur

Thierry Monfils, jésuite belge, vit au Luxembourg, où il est responsable du Réseau Mondial de Prière du pape, après avoir très longtemps vécu auprès des plus pauvres en Belgique et en France.

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