Deux scolastiques colombiens ont vécu, entre janvier et juin 2019, à la communauté jésuite Saint-Michel de Bruxelles, où ils ont suivi des cours de français. Ils habitent à présent en région parisienne et ont débuté les cours de premier cycle en théologie au Centre Sèvres. Santiago Tobón sj évoque les expériences vécues pendant ses premiers mois dans la Province de l’EOF.

Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. (Genèse, 12 : 1)

Parfois, les mots nous manquent quand nous sommes face aux expériences qui touchent profondément notre cœur. Cependant, les mots ont la capacité de devenir des images pour peindre avec des couleurs subtiles les mouvements de l’esprit. Pour moi, ces derniers mois à Bruxelles, après les temps agités de la régence, ont été l’occasion d’une nouvelle rencontre avec le Dieu de la Vie, qui travaille à partir de la simplicité et de la quotidienneté, mais qui ne cesse de nous surprendre.

Être envoyé par mon Provincial dans la Province EOF pour faire des études théologiques a été une grande surprise. En général, nous sommes envoyés dans les centres de formation théologique de la Conférence d’Amérique Latine et des Caraïbes, et aucun jésuite colombien n’avait récemment été envoyé à Paris pour faire le premier cycle. Je n’avais donc pas imaginé venir au Centre Sèvres ; la nouvelle m’a laissé un peu perplexe.

Quand Daniel Camilo Vargas sj et moi sommes arrivés à Bruxelles pour apprendre le français, en janvier dernier, j’avais peur de sortir de ma zone de confort, de quitter ma Province et mes amis. J’avais le sentiment qu’apprendre le français allait constituer un grand défi que je n’étais pas sûr de pouvoir relever. Par ailleurs, je pensais que le séjour à Bruxelles n’allait être qu’une sorte d’escale dans un aéroport où l’on arrive pour prendre une correspondance sans tisser de liens avec personne, l’étape n’étant que provisoire. Mon expérience parmi les Belges a cependant été très marquante et très différente de ce que j’avais imaginé.

Arrivée à Bruxelles : une impression de Poudlard

Je me souviens bien précisément du jour où je suis arrivé à Bruxelles : il faisait froid, il neigeait et le ciel était complètement gris. Le supérieur de la communauté jésuite Saint-Michel est venu à la gare pour nous accueillir. Quand nous sommes arrivés à la maison, j’ai soudain eu l’impression de pénétrer dans Poudlard (ndlr : l’école créée par J.K.Rowling pour l’univers de la suite romanesque Harry Potter). Au repas de midi, nous étions à table avec deux jésuites bollandistes et, pendant le temps du café, nous avons pu saluer les autres compagnons. Je me retrouvais dans une communauté nombreuse et pourtant, dès ce premier instant, je me suis senti chez moi grâce à l’accueil et à la grande ouverture d’esprit.

J’avais conscience que le but de mon séjour à Bruxelles était l’apprentissage de la langue ; cependant, la vie en communauté a été l’élément le plus significatif pour moi au cours de ces mois. Les liens avec les jésuites de la communauté se sont construits autour de la table. Les repas, les cafés quotidiens et les bières dominicales ont été des moments privilégiés pour apprendre à connaître mes nouveaux compagnons, écouter leurs histoires et vivre la fraternité. Les relations d’amitié se sont construites progressivement dans les activités simples du quotidien : les corrections phonétiques (qui ont surabondé au long de mon séjour), les plaisanteries, les rires, les anniversaires. Par ailleurs, les visites de la ville avec Daniel m’ont aidé à vivre cette nouvelle étape de ma formation.

Ce séjour à Bruxelles, marqué au début par beaucoup de mouvements spirituels, m’a permis d’expérimenter une certaine vulnérabilité : je l’ai vécu comme une invitation à revisiter les sources de ma vocation au sein de la Compagnie de Jésus. Il s’agit là d’une expérience en profondeur où le Seigneur nous invite à le suivre comme ami, aux côtés d’autres compagnons venant des quatre coins du monde. Avec ces derniers, on découvre que l’on partage un esprit commun et une même manière d’aborder le monde ; on découvre que la réalité de la Compagnie dépasse très largement nos Provinces, nos langues et nos cultures. Décidément, au cœur de notre vocation, il y a bien un appel à être ouvert aux surprises de Dieu, afin d’aller dans le monde, partout où l’on a l’espérance de travailler à sa plus grande gloire.

Voici le temps des études théologiques

Fin juin, j’ai déménagé à Paris pour un nouveau cours de langue organisé par la Province. Au cours du mois de juillet, j’ai eu l’occasion de rencontrer quinze compagnons jésuites qui sont arrivés en France pour l’apprentissage du français et la découverte de la culture de ce pays. Ce cours de langue a été une belle opportunité pour faire l’expérience de l’universalité de la Compagnie de Jésus, pour vivre une authentique expérience communautaire multiculturelle et pour nous immerger dans la culture et la tradition du pays et de la Province qui nous accueillent pour ces prochaines années.

Bien que l’apprentissage d’une langue ne s’achève jamais, le temps où l’étude du français était mon activité exclusive touche à sa fin. Le moment est venu de m’engager dans les études théologiques. J’espère que les trois prochaines années seront aussi l’occasion de rencontrer le Créateur discret. Ce n’est qu’en contemplant le monde avec admiration que l’on peut découvrir l’action de Dieu dans les expériences simples de la vie quotidienne.

Santiago Tobón Grajales sj
Scolastique au Centre Sèvres, Communauté de Vanves

À la rencontre du Créateur discret

Il n’y a pas besoin de penser l’air
afin qu’il aille jusqu’au dernier recoin de nos poumons.
Il n’y a pas besoin, non plus, d’imaginer l’aurore
pour qu’elle décore le jour nouveau avec ses ombres et ses couleurs.
Il n’y a pas besoin, jamais besoin, de donner d’ordre au cœur fidèle, ni aux cellules anonymes,
pour qu’ils luttent pour la vie jusqu’au dernier souffle de l’esprit.

Il n’y a pas besoin de menacer les oiseaux
pour qu’ils chantent,
ni de surveiller les blés dans les champs
pour qu’ils poussent,
ni d’espionner la semence de riz
pour qu’elle se transforme secrètement dans l’intimité de la terre.

En une dose exacte de lumière et de couleur,
de chant et de silence ;
la vie vient à nous, sans que nous nous en rendions compte,
comme un cadeau incessant de ta part : travailleur sans samedi, Dieu discret.

Pour que ton infinité
ne nous fasse pas frémir,
tu te révèles dans le don quotidien
où tu te caches.

Benjamín González Buelta sj

Cet article est tiré dÉchos jésuites (automne 2019) , la revue trimestrielle de la Province d’Europe occidentale francophone. L’abonnement, numérique ou papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.

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Le Centre Sèvres est une institution de la Compagnie de Jésus spécialisée dans l’étude et la recherche en philosophie et en théologie, ouverte aux enjeux éthiques, culturels et spirituels du monde contemporain. +

Le Cours de Langue Française est un programme de formation offert pendant l’été par la Province de l’EOF aux jésuites qui souhaitent avoir une expérience d’immersion dans la langue et la culture francophones. Ce programme permet aux participants d’acquérir des compétences linguistiques, qui sont enrichies par les sessions de tutorat individuel et les activités de découverte de la culture (visite au Musée du Louvre, promenade dans le Paris ignatien, atelier d’œnologie…).