Le Père Michel de Certeau, jésuite, a publié en 1960 une édition critique du Mémorial du bienheureux Pierre Favre (déclaré Saint en 2013).

L’édition de ce journal spirituel de l’un des premiers compagnons de saint Ignace de Loyola fait encore autorité. Il dévoile les secrets d’une vie spirituelle qui se donne les moyens de s’épanouir.

1  –  La première étape pour aller à Dieu

1a  Chercher à séduire Dieu ?…

Au cours de ce mémorial ou journal, se fait jour une conversion à l’amour. « Jusqu’à présent, je me suis beaucoup plus soucié de chercher comment me parer pour approcher de Dieu ou de ses saints, que de chercher à connaître, pour en avoir le sentiment, quelle est la parure des saints, eux qui sont attentifs, amicaux, patients ou secourables à mon égard. J’ai toujours cherché à me revêtir de dévotion ou à me parer de quelque autre manière, afin de les appeler à moi et d’attirer sur moi leur amour et leurs faveurs ; mais je n’ai pas cherché comment aller vers eux – ce qui aurait été plus facile, puisque je pouvais contempler en eux ces qualités qui les rendent si aimables et si attirants » (n° 198).

« Pour Favre, cette sensibilisation à l’autre devient une vocation à l’admiration et à l’action de grâces : au lieu de chercher à séduire, il se laissera séduire et fasciner par les autres ; de même qu’Ignace, au lieu de chercher à se faire remarquer de Dieu par ses hauts faits, consacrera tous ses efforts à faire les grandes actions de Dieu » (note de Michel de Certeau).

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1b  … ou vouloir d’abord l’aimer ?

Faire une révolution sur soi, se retourner… «Je m’attacherai désormais davantage à ce qui est meilleur et plus magnanime, et à ce que j’ai moins fait jusqu’ici : à vouloir aimer, plutôt qu’à vouloir être aimé. Je chercherai désormais à leur donner des signes de mon amour, plutôt que d’attendre des signes du leur… » (n° 198)

« Je crois que tout ce que j’ai reçu en ces jours de Nativité en vue d’une naissance spirituelle se résume dans une préoccupation nouvelle de chercher à témoigner de mon amour pour Dieu, pour le Christ et pour ce qui le touche, c’est-à-dire de tendre à méditer et à désirer davantage, à prêcher et à pratiquer avec plus de cœur les volontés de Dieu. Jusqu’à présent, je m’inquiétais beaucoup de ces sentiments qui peuvent être interprétés comme le signe que l’on est aimé de Dieu et de ses saints ; je voulais avant tout connaître leurs dispositions envers moi.

Certes, il n’y a là rien de mal ; c’est même la première étape pour ceux qui marchent vers Dieu, ou plutôt qui cherchent à se concilier Dieu. » (n° 202)

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1c  Devenir un fils pour Dieu

« Un jour, dans l’octave de la Visitation de la Vierge Marie, je sentis de profonds désirs et je demandais à Dieu le Père que pour moi, quoique indigne, il fut tout spécialement un père et que de moi il fît un fils qui lui obéisse et le connaisse ; au Fils de Dieu Notre Seigneur, je demandais qu’il daignât être mon Seigneur et faire désormais de moi, par sa grâce, un serviteur très respectueux ; à l’Esprit-Saint, je demandais qu’il fût pour moi un maître qui m’apprenne à être son disciple… » (n° 40)

« Je priais Notre-Dame d’être en tout mon avocate, elle qui est le véritable modèle de la virginité, de l’obéissance et de la pauvreté, elle dont la chair est très pure, l’âme très limpide, l’esprit très saint, et en qui chacune de ces grâces vient avec une telle force de la Puissance divine, avec une telle sagesse et avec une telle bonté que chacune pourrait à elle seule garder aux deux autres leur transparence propre, car la chair, parfaitement pure, préserverait l’âme et l’esprit de la moindre souillure ; l’esprit comblé de dons, séparerait l’âme de tout ce qui pourrait entrer d’impur en elle ou dans sa chair ; et de même l’âme, établie dans une telle perfection, illuminerait à elle seule l’esprit et la chair. » (n° 45)

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1d  Apprendre à prier

« Le jour de sainte Praxède, en suivant les mystères de la vie du Christ, il me vint plusieurs formes de requêtes à Dieu notre Seigneur, invoquant tour à tour les mérites de l’Annonciation, de l’Incarnation, de la Visitation, etc., pour le prier de nous apprendre comment le louer et l’honorer, comment penser à lui, le connaître et nous souvenir de lui, le chercher, l’aimer, le désirer et le servir, comment chercher à le voir, à l’entendre, à le sentir, à le goûter et à le toucher [cf. les cinq sens] ; et tout cela par l’intermédiaire de Jésus-Christ, conformément aux pratiques et aux dispositions de sa sainte Eglise à propos de la doctrine catholique, des sacrements, de l’intercession des saints et de la commémoration de tout ce qu’on fait de bien les âmes du purgatoire, etc. » (n° 51)

«Après la messe, comme je n’éprouvais pas le goût spirituel que je souhaitais, il me vint un autre désir : que notre Seigneur Jésus-Christ voulût bien me rendre visite en secret, apportant remède aux défauts cachés de mon intelligence, de ma mémoire, de ma volonté et de ma sensibilité, et m’accordant les vertus et des dons cachés auxquels je ne pense jamais et dont j’ai sans doute un plus grand besoin que de ceux dont je me reconnais dépourvu… » (n° 51)

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2  –  Le nouveau chemin inauguré par l’amour

2a  Monter vers l’intérieur

« Ne te contente donc pas de ne pas descendre, de ne pas baisser ou de ne pas reculer. « Dispose ton cœur à monter » (Ps. 84, 6), à croître et à progresser vers l’intérieur, non pas seulement par crainte de descendre, de reculer ou de tomber, mais par amour de la sainteté, et sans y chercher uniquement des pensées qui te protègent contre la pensée du mal. Désire et apprends à goûter les réalités spirituelles, pour y trouver non pas un remède à tes penchants mauvais ou futiles, mais ce qu’elles portent en elles-mêmes. C’est ainsi que tu parviendras à aimer Dieu pour lui seul. Débarrasse-toi de tout ce qui est vain ou futile, et plus encore de tout ce qui est péché, comme d’entraves qui t’empêchent d’accéder à Dieu, de le voir, de trouver en lui le repos et de vivre en sa compagnie. » (n° 54)

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 2b  Même en dehors des temps de prière

« Une fois, en récitant l’office, j’avais des distractions et je désirais en être débarrassé ; je reçus alors une réponse qui m’avait été faite déjà bien souvent : c’était en dehors des temps de prière qu’il fallait essayer de déceler les causes de distraction, avec le désir de parvenir au repos quand l’heure en serait venue, de sorte qu’au moment de la prière, tu mérites de trouver la joie dans la lecture des paroles de Dieu.

Le même jour, à la messe, j’avais le désir d’adorer avec dévotion le corps du Christ et je me rendis compte que j’avais tort de ne pas m’être accoutumé à cultiver de semblables désirs, indépendamment de celui qui me venait ; aussi, maintenant, je ne mérite ni une autre grâce, ni celle que je souhaiterais pour avoir la connaissance et le sentiment de ce que je fais. C’est comme si, n’ayant pas pris soin, avant le repas, d’entretenir et d’exciter son appétit, on venait à se plaindre ensuite à table d’en manquer !… » (n° 61)

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 2c  La tristesse peut tendre vers Dieu

«Le jour de la Transfiguration, j’étais tout triste de ne pas trouver de dévotion, mais je fus très consolé de constater que cette tristesse durait déjà depuis plusieurs jours sans que d’autres désirs ou une autre tristesse m’aient fait sortir du cœur [intimité avec Dieu]. Jusqu’à présent, il en était tout autrement, car, lorsque j’étais pris de découragement ou de quelque désir immédiat de trouver Dieu notre Seigneur, je me laissais envahir par d’autres désirs ou par d’autres tristesses : désir de faire du bien aux autres, ou d’avoir des renseignements et des témoignages sur les progrès accomplis dans le service de Dieu notre Seigneur pour le prochain ; tristesses au sujet des tentations que me causaient mes péchés et mes imperfections ; et j’en étais détourné de la tristesse meilleure, qui tend vers Dieu. Je le vis donc clairement ce jour-là : Notre Seigneur me fait une faveur d’autant plus grande qu’il m’abandonne davantage à cette angoisse et à ce désir de le trouver, et qu’il les dilate et les accroît en largeur, en longueur, sans les laisser supplanter par d’autres, moins élevés. » (n°64)

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 2d  La perfection de l’amour – Croître dans l’amour de Dieu et de ses frères

« Béni soit le Seigneur qui, par des voies si infinies, et puisque nous sommes incapables d’y accéder d’un bond, nous élève peu à peu à une parfaite connaissance et à un parfait amour de lui. Mais auparavant, combien faut-il de craintes, combien faut-il de dégoûts, de refus et de répugnances pour ces choses inférieures où il n’est pas de paix, bien qu’elles soient des moyens pour monter jusqu’à l’amour de Dieu et pour y entrer tout à fait. Mais l’homme qui parvient jusque-là « entre et sort » et « trouve les pâturages » à l’intérieur et à l’extérieur [en tout]; quand il a trouvé le chemin nouveau qu’inaugure l’amour, il peut « rentrer dans son pays » [comme les Rois Mages], d’où il était sorti par un chemin semé de craintes et de dangers afin d’obtenir l’amour du Dieu Très-Haut. Avant cet amour, il ne pouvait s’élever et regarder plus haut ; mais après être entré dans ce cœur à cœur avec Dieu, il peut croître sans cesse dans cet amour, découvrant chaque jour davantage le mystère de Dieu, et descendre aussi avec plus d’assurance vers ses frères, pour les voir, pour les écouter, etc.

Dieu veuille accorder une telle charité [un tel amour] à moi, à tous mes frères et aussi à tous les vivants, hommes et femmes. » (n° 66)

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2e  Mettre de l’ordre dans ses désirs

Pierre Favre emploie très souvent les mots : « désirer », « désir », comme les Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola, paragraphe [48] : « demander à Dieu notre Seigneur ce que je cherche et désire ». Il découvre qu’il faut discerner entre les désirs, si louables qu’ils puissent être, et les désirs donnés par Dieu pour lui seul.

«Le jour de sainte Claire, à la messe, je sentais de la distraction à cause de mes désirs : il me venait en effet un désir d’édifier les assistants et puis de trouver de la dévotion dans ce but. Souvent déjà dans le passé, je l’avais éprouvé, d’abord sans me rendre compte de la tentation, puis s’en pouvoir m’en retirer, car j’y étais alors plus enraciné qu’à présent où je sais mieux résister à de telles imperfections.

C’était ce que j’éprouvais ce jour-là, mais je reçus du Seigneur la grâce de ne pas consentir à des sentiments qui étaient des imperfections (je n’avais pas conscience d’être en cela coupable de péché), et j’appris de lui qu’il fallait veiller à ce que la dévotion, la connaissance immédiate et le goût de ce qui touche à Dieu notre Seigneur (et surtout à sa personne et à ses dons gratuits, qui rendent l’homme plus agréable à son Créateur) ne soient désirés que pour sa gloire, pour la perfection et l’édification personnelles, car, à l’inverse d’autres grâces données gratuitement, celles-ci ne sont pas destinées au prochain. » (n° 81)

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2f  Tout en se laissant émouvoir par des petites choses

«Aux premières vêpres de l’Assomption, je trouvais beaucoup de dévotion et de grandes motions spirituelles dans la cathédrale Notre-Dame de Spire où j’étais : les cérémonies, les lumières, l’orgue, le chant, la magnificence des reliques et de la décoration m’inspiraient toutes une dévotion si grande que je ne saurais l’expliquer. Sous cette motion, je bénissais celui qui avait apporté et allumé les chandeliers, celui qui les avait rangés, celui qui avait laissé une rente à cette intention. De même au sujet de l’orgue, de l’organiste et des bienfaiteurs ; de même encore au sujet de la décoration que je voyais prête pour le culte divin, de la chorale, du chant et des petits chanteurs ; de même au sujet des reliques, de ceux qui étaient allés les chercher ou qui les avaient ornées après les avoir trouvées. En somme, j’étais porté par cette motion spirituelle à estimer davantage la plus petite de ces actions ou d’autres analogues faites avec une foi simple et catholique… Je sentais aussi que le Christ notre Seigneur était plein de miséricorde et de bonté pour tous et pour chacun de ceux qui apportent quelque chose d’eux-mêmes à son culte extérieur, soit le travail de leurs mains, soit le don de leur argent, soit leurs directives, ou quoi que ce soit d’autre. » (n° 87) Cela est d’autant plus remarquable que l’on serait tenté de ne pas faire attention à toutes ces petites choses non seulement du culte mais de la vie toute entière.

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2g  Agir et prier : viser l’union

«Le même jour, je réfléchissais sur la manière de bien prier et sur diverses manières de bien agir ; je me demandais comment les bons désirs de l’oraison conduisent et disposent à de bonnes œuvres et inversement les bonnes œuvres à de bons désirs ; je remarquai alors et j’eus le clair sentiment qu’en cherchant Dieu par l’esprit dans les bonnes œuvres, on le trouve ensuite dans la prière, mieux qu’en le cherchant d’abord dans la prière pour le trouver ensuite dans l’action, comme on le fait souvent. Celui qui cherche et trouve l’esprit du Christ dans les bonnes œuvres obtient donc des résultats beaucoup plus sûrs que celui dont l’activité se déploie seulement dans la prière. Ainsi, avoir le Christ dans l’action ou l’avoir dans la prière, cela équivaut souvent à une possession « effective » ou à une possession « affective ».

Il faut donc consacrer tous tes efforts et tous tes soins à te briser toi-même et à te mortifier, à te vaincre et à te rendre capable d’entreprendre toute espèce de bonnes œuvres ; et, tu en feras souvent l’expérience, c’est la meilleure préparation à l’oraison mentale… » (n° 126) Note : « Les œuvres (action) représentent pour Favre la réalité de la communion à la volonté divine, c’est-à-dire à ce que Dieu est et fait en nous. C’est là une vue propre à l’actif : chez lui, la prière prépare ou fait reconnaître l’union qui se réalise dans l’exécution de la mission. » C’est la vie du « contemplatif dans l’action ». Pierre Favre développe ce thème sur plusieurs pages.

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3  –  Les conseils d’un bienheureux

3a  Consoler spirituellement et matériellement

« Je souhaitais alors [en pensant à tous les habitants de la terre et aux morts] et je demandai, avec grande dévotion et comme avec un sentiment tout nouveau, qu’il me soit accordé d’être enfin le serviteur et le ministre du Christ consolateur, d’être le ministre du Christ qui secourt, qui délivre, guérit, libère, enrichit et fortifie, afin que je puisse, moi aussi, par lui, venir en aide à beaucoup, les consoler, les délivrer de leurs maladies, les libérer, les fortifier, leur apporter la lumière, non seulement en matière spirituelle, mais encore, si cette audace et cette espérance sont permises en Dieu, de façon matérielle, avec tout ce que la charité peut faire pour l’âme et le corps de n’importe lequel de nos frères. » (n° 151) Pierre Favre n’hésite pas à parler de guérison des corps.

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  3b  Aimer davantage  – Aimer au-delà du nécessaire

« Il est particulièrement nécessaire à l’homme de ne pas s’aimer lui-même comme une fin, mais d’être tout entier ordonné à la gloire de Dieu, au salut de son esprit et au bien du prochain (Exercices, 23). Cherche donc en tout le charisme meilleur qui est la charité (1 Cor. 12,31), et pratique-la, progressant en elle continuellement, sans te contenter de la mesure nécessaire à ton salut ou à celui du prochain. Si tu agis ainsi, si tu tends vers ce qui est parfait, tu obtiendras facilement d’autres grâces, non pas nécessaires, mais venues en surabondance pour ton bien et celui du prochain, telles la foi et l’espérance en de grandes choses. » (n° 153)

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 3c  Tendre toujours vers l’avant

« Un autre jour dans l’octave de la Toussaint, je commençai à sentir un désir nouveau et assez ardent de tendre toujours en avant, oublieux de ce qui est en arrière ; et, par exemple, après avoir exécuté, dit, pensé ou désiré quelque chose, de pousser mon intelligence et ma volonté à s’appliquer et à tendre sans cesse vers ce qui reste à faire, vers ce qui est meilleur, plus élevé, plus utile, plus agréable à Dieu, etc. » (n° 171)

« Ce n’est pas seulement à la dévotion qu’il faut attacher du prix, mais aussi au désir et à la recherche de la dévotion, et même au regret de ne pas en avoir ; il y a là comme des semences, à partir desquelles tout un développement doit se produire jusqu’à la récolte des fruits. Que l’esprit se mette en quête, qu’il demande, qu’il frappe à la porte (Mt 7,7) fût-ce sans ressentir beaucoup de dévotion, tout cela est bon : « On s’en va » (Ps 125, 5-6) ainsi et l’on sème dans la peine et dans les larmes ; je veux dire, on s’en va vers Dieu lui-même ; et lorsque enfin la gerbe de la dévotion ou de la consolation est prête, « on revient » et c’est comme si l’on sortait du Dieu consolateur qu’on a trouvé après l’avoir cherché. » (n° 173)

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 3d  Se convertir à Dieu – Mesurer le chemin parcouru

«Dans les commencements d’une vie meilleure, notre principale préoccupation, d’habitude – et nous n’avons pas tort – est de nous rendre nous-mêmes agréables à Dieu, en lui préparant dans notre corps et dans notre esprit une demeure corporelle et spirituelle. Mais vient un moment (que l’onction du Saint-Esprit enseigne d’elle-même à qui marche avec droiture) où il nous est donné et demandé de chercher et de tendre non plus tellement à être aimé de Dieu qu’à l’aimer ; c’est-à-dire de le considérer moins par rapport à nous-mêmes que par rapport à lui-même et à toutes choses, et de chercher d’une manière absolue ce qui lui plaît ou lui déplaît en ce monde qui est le sien. La première attitude consistait à amener Dieu jusqu’à nous ; la seconde consiste à nous ramener nous-mêmes vers lui. Au commencement, nous cherchions à ce qu’il se souvienne et soit tout occupé de nous ; après, nous cherchons à nous souvenir de lui et à être tout occupés de ce qui lui plaît. Le premier temps doit nous conduire intérieurement à la perfection de la vraie crainte et révérence filiale ; la seconde démarche, à la perfection de l’amour. » (n° 203)

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 3e  Venir à la croix – Cherchez d’abord la puissance du don

« Le mouvement et la pente du cœur doivent donc toujours nous conduire du côté de la croix. Car le Christ crucifié est le chemin vers la glorification du corps et de l’âme, comme il est aussi la vérité et la vie. Si donc tu as souci de toi-même, si tu cherches à te fortifier, à recevoir la vraie consolation et à progresser, veille à te défendre toujours contre la faveur et l’estime des hommes, et à tendre vers le bas, c’est-à-dire vers ce qui appartient à la croix.

[…] Un jour, si nous ne l’avons pas fait dès le début, nous devons en venir à cette croix sur laquelle notre Sauveur a été suspendu. Car c’est dans le Christ crucifié que se trouvent notre salut, notre vie et notre résurrection ; et ces trois dons, successivement reçus, précèdent la gloire qui nous attend dans les cieux et qui nous vient, elle, par le Christ Jésus glorifié, de lui et en lui.

Cherchons d’abord la puissance du Christ crucifié, et ensuite la puissance du Christ glorieux, et non l’inverse.Cette puissance consista en  ce qu’il s’offrit lui-même à la mort et aux souffrances, au gré de ses ennemis. Par elle, il a détruit la mort qui s’installait en nous, qui s’installe encore et se fortifie en nous grâce à la peur des souffrances et de la mort. Lui seul a vraiment détruit la mort et l’a réduite à rien, car lui seul a voulu prendre un corps et le livrer pour nous à toutes les souffrances et à la mort. Nous devons nous armer des mêmes pensées et de la même volonté, et nous offrir pour lui aux souffrances et à la mort, afin que soit détruit le corps de péché et que nous obtenions un jour le corps né de la grâce et de la gloire de Dieu, dans le Christ Jésus Notre Seigneur en qui notre esprit doit trouver l’être, la vie et le mouvement. » (n° 211-212)

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3f  En union avec tous les saints

«Le jour de sainte Agnès, vierge glorieuse et martyre, saisi à la pensée de ces détresse humaines pour lesquelles il n’y a souvent de soulagement qu’auprès de Dieu, par le Christ et par ses saints, je sentis un grand désir que chacun des saints déjà parvenus au ciel daigne prier tout spécialement pour ses compatriotes dans la peine, pour les morts de son pays, et plaider notre cause. En offrant la messe à cette intention, je demandais au Père céleste qu’à chaque fois que nous invoquons le nom de son Fils, Jésus-Christ, il daigne jeter les yeux sur tous ceux qui ont besoin du salut, en tous lieux, sur la terre ou dans le Purgatoire ; et se rappeler sans cesse tout ce que mérita et désira Jésus pour le salut des hommes, pendant sa vie mortelle. » (n°232)

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3g  Les grands travaux – Ne pas se tromper de croix

«Puissé-je apprendre à porter une autre croix [que celle de s’affliger sur soi-même], qui plaise davantage à Dieu, je veux dire de grands et continuels travaux pour l’amour de Dieu et sa louange, pour ma propre sanctification et le salut de mes frères ! Pour Dieu, en montant toujours plus haut ; pour moi en descendant toujours plus bas ; pour le prochain, en me dilatant toujours plus à droite et à gauche et en portant toujours plus loin des mains laborieuses. C’est faute de porter avec empressement cette croix [les travaux pour l’amour de Dieu], que l’autre [celle de s’affliger sur soi] est douloureuse et sensible à mon esprit. » (n° 240)

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3h  User de discernement

Ici Pierre Favre évoque les moments très subtils du discernement et du choix pour agir. « Le même jour, après la messe, je réfléchissais sur la diversité des esprits qui m’ont souvent troublé et fait changer d’avis à propos des fruits qu’on peut espérer en A.. Je m’aperçus qu’il ne fallait en aucun cas donner mon assentiment aux paroles de l’esprit pour qui rien n’est jamais possible et qui allègue toujours des difficultés, mais plutôt aux paroles et aux impressions de celui qui découvre des possibilités et qui encourage. Mais attention, ne courons pas trop à droite ! Il faut user de discernement, afin de garder le milieu entre la droite et la gauche, et d’éviter qu’à la bonne confiance ne se mêlent des illusions nées de l’abondance ou à la crainte une lassitude provoquée par la disette. Si pourtant on ne peut éviter de dévier d’un côté ou de l’autre, il est plus sûr et moins dangereux de s’avancer avec confiance, comme au temps de la pleine abondance, plutôt que de se laisser mener par cette tristesse qui suscite mille erreurs et mille tromperies, qui fait germer tant d’aigreurs et de complications. » (n° 254)

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4  –  La vie dans l’Esprit

4a  Reconnaître les différentes esprits

« Quand on a appris à connaître l’esprit d’abondance et ses paroles, et d’autre part l’esprit tentateur, perturbateur, et ses paroles, on peut tirer un enseignement de chacune de ces expériences. On devra accueillir, retenir et, si on l’a perdu, chercher sans cesse l’esprit d’abondance ; conserver la joie et la consolation, le réconfort et la tranquillité, et tous les sentiments qui partent d’une bonne disposition intérieure ; et il faudra y revenir, pour y adhérer enfin plus fermement. Mais on ne fera pas le même accueil à toutes les paroles qui se présentent : il peut s’y trouver mêlées des pensées trompeuses, car l’esprit mauvais est capable lui aussi de revêtir les apparences de l’ange de lumière.

Vis-à-vis de l’esprit contraire, on adoptera une attitude opposée : il faut repousser et chasser tous les sentiments qui pourraient en venir, mais non pas toutes les paroles, car il y en a beaucoup d’acceptables dans la mesure où elles nous invitent à la prudence et nous amènent à agir avec plus de réflexion ; beaucoup de ces paroles sont vraies et utile, une fois qu’elles ont été reprises dans le sens de l’autre esprit. » (n°254) Par paroles il faut entendre ou des discours extérieurs que l’on entend ou des paroles intérieures auxquelles on est devenu sensible.

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4b  Prier pour les vocations

« Daigne Jésus réaliser ces désirs (concernant les vocations), et nous donner des personnes capables d’éprouver les esprits (de discerner), et non seulement de discerner ceux qui sont de Dieu, mais d’en juger d’après tout ce qui vient de Dieu ; certaines de ces motions en effet poussent vers tel Ordre et telle règle de vie, et d’autres ailleurs. Puisse-t-il susciter des personnes dont la foi, l’espérance et la charité soient assez universelles et catholiques, dont l’esprit soit assez universel et assez ouvert à la préoccupation de restaurer tous les anciens Ordres de l’Eglise, pour que tous les monastères et leurs cellules puissent se remplir de nouveau, et qu’ainsi (ce qui prime, du point de vue de la fin) l’intelligence, la mémoire et la volonté de tous les hommes, leurs cœurs et leurs corps soient sanctifiés et parfaits dans le Christ Jésus. » (n° 265)

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4c  Ne pas craindre la mort

Pendant plus d’un an encore, Pierre Favre va continuer d’approfondir sa vie intérieure et on sent, d’après certaines expressions, que la mort devient une référence. «Quand tu seras mort d’une mort subie sur la croix, et publique (dans le mesure où cela dépend de tes désirs) ; quand tu seras ainsi enseveli, hors de la mémoire, de la vue, de l’admiration, des soupçons, du mépris ou de l’attente de tous les hommes, alors il te sera donné d’avoir au moins le désir et de jeter les fondements d’une forme nouvelle de consolation pour ton esprit, et tu feras ainsi l’expérience d’une autre vie, par la résurrection du corps, de l’âme et de l’esprit. Et de cette autre vie, la racine, le tronc, les rameaux, les feuilles et les fruits ne seront pas ceux d’à présent ; ils acquerront chacun leur essentielle stabilité. » (n° 279)

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4d  Etre appelé le balai du Christ

« Le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix, j’allais célébrer lorsque quelqu’un m’aborda en chemin pour me demander de bien vouloir l’entendre en confession « pour un bon nettoyage ». Je lui répondis que je souhaitais être le balai du Christ pour nettoyer sa conscience. C’est de là que me vint le désir de devenir et d’être appelé le balai du Christ.

J’en vins alors à découvrir divers sens de cette expression. Je désirais surtout être assimilé au balai qui sert à nettoyer les maisons, parce que je reste toujours misérable et malpropre en nettoyant les autres, et parce que je prends toutes sortes de saletés en devenant pour les autres, avec l’aide du Christ, l’instrument de leur progrès. Je voyais aussi à quel point je m’use vite, comme les balais, et pourtant je trouvai une grande dévotion à m’offrir au Christ comme balai de sa maison, pour servir à balayer les demeures spirituelles.

Je souhaitais aussi que Dieu fixât cette tâche à toute notre Compagnie… comme des instruments très grossiers et faits d’abord pour cela, comme des balais. » (n° 440) Pierre Favre mourût quelques mois plus tard, en juillet 1546.

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