Avalanche aux Contamines

Le dimanche de Pâques, une avalanche a causé la mort de 6 personnes, aux Contamines, en Haute-Savoie. Retrouvez le message du P. Franck Chaigneau sj, grand amateur de montagne, adressé à ses amis des Contamines et de Saint-Gervais.

Mon amitié avec plusieurs guides de Saint-Gervais et de Chamonix me pousse à participer, depuis Paris, à vos émotions, mais surtout le fait que, lors de la dernière Fête des Guides à Saint-Gervais, j’ai béni les piolets et les cordes qui se trouvaient, certainement, dans les sacs de Clément et de Laurent, lors de l’avalanche ! Cette bénédiction n’était pas une demande d’intervention divine contre les avalanches ou les chutes de pierres ; il y aura toujours des éléments de la nature qui échapperont aux croyants et aux incroyants ! Mais cette bénédiction était la reconnaissance de la liberté dont font preuves les guides et leurs clients au sein d’une nature grandiose, mais dangereuse, et l’occasion d’en rendre grâce.

Je me souviens avoir béni, certes les piolets et les cordes, mais surtout les guides, des femmes et des hommes qui se trouvaient sur l’estrade, face au public, au-dessus des outils qu’ils avaient déposés ‒ avec l’un de leurs enfants ‒ comme symboles de leurs engagements et de leurs responsabilités. Clément et Laurent étaient là, sur l’estrade, témoins des drames connus par les Compagnies des Guides et le Peloton de gendarmerie de haute montagne, mais aussi, rencontrés par leurs clients, par les militaires, par les pompiers, par les gendarmes, par les médecins, et par bien d’autres métiers qui sont confrontés à la mort.

Personnellement, ce drame ayant eu lieu le dimanche de Pâques, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec la mort de Jésus, un homme de paix, par excellence, dont la seule raison de sa mort fut son message d’amour et de fraternité, insistant sur la miséricorde divine ; un message qui menaçait les pouvoirs religieux et politiques de l’époque. Mais aussi, je ne peux m’empêcher d’évoquer la Résurrection alors, que pendant toute sa vie de prédicateur, Jésus fut menacé de mort. Il n’a pas fui devant cette menace : il savait que si sa vie avait un sens, que sa passion pour l’avenir de l’humanité, à laquelle il apportait La Bonne Nouvelle au quotidien, l’emporterait sur sa mort. Alors il accepta cette mort. Ceci peut nous aider à faire face à notre souffrance à la suite de ces décès, sachant que d’autres drames nous atteindront, notamment la mort, sans raison, d’êtres aimés ; il faudra nous en relever !

Nous en relever comment ? Peut-être, en contemplant, en vivant nous-mêmes et en promouvant les passions que nos deux amis ont vécues. Le métier de guide consiste à accompagner, à assurer, à montrer la beauté, à encourager, à aider dans les difficultés, à se dépasser, à prévoir les dangers ! Il se pratique en aimant la nature et les hommes, en étant responsable, en anticipant sur les limites humaines, en acceptant que la montagne ait le dernier mot, en vivant en être libre c’est-à-dire en prenant des risques. Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous tourner vers les parents de ces deux amis guides décédés, vers leurs épouses, vers leurs enfants, et les remercier, eux qui ont assumé ces risques : ils aiment Clément et Laurent, ils admirent leur métier même s’ils en souffrent, ils acceptent une profession dangereuse où la générosité domine. Nous ne pouvons que leur dire notre reconnaissance et essayer de les consoler, de les accompagner, avec tendresse et patience, vers une vie nouvelle à inventer. Nous pouvons aussi, comme nos amis et leurs clients, accepter nos propres limites, rechercher le sens de notre propre vie, avoir le souci du développement montagnard et spirituel, de Saint-Gervais, des Contamines, de Notre Dame de La Gorge et nous préparer à la prochaine bénédiction des cordes et des piolets, le 6 août 2023, pour participer à l’action de grâce des guides, c’est-à-dire à l’action de grâce de femmes et d’hommes généreux, face à la nature.

pere franck chaigneau jesuite