Envoyé en régence au collège saint-Joseph de Tivoli à Bordeaux et dans une paroisse en milieu populaire, le P. Marc Dehaudt sj nous témoigne combien ce temps a pleinement participé à sa formation de jeune jésuite.

Présenté parfois comme «jésuite en régence», je vois sur les visages des auditeurs que ce mot n’évoque rien de précis, rien, en tout cas, qui explicite ce que je suis. Tout au plus peut-on imaginer qu’il s’agit d’une étape de la longue formation dans la Compagnie de Jésus. Quelques initiés sourient : ils savent bien qu’un régent est un jeune jésuite venu prêter main forte à une institution jésuite, a priori généreux dans son engagement et corvéable à merci, pendant un temps (trop) limité… au risque d’oublier ce que l’ingénuité initiale laissait deviner :  la régence est un temps de formation.

Deux ans de découvertes

De fait, je vis mes deux années de régence à Bordeaux comme un temps de découvertes larges et variées. En premier lieu, je plonge dans l’univers d’un établissement scolaire jésuite, Saint-Joseph de Tivoli, par l’action pastorale, à la fois dans l’initiation catéchétique et dans la « formation humaine » (ouverture à la société et à la solidarité), intervenant sur l’ensemble des élèves, des primaires aux BTS.

Cette immersion me permet de percevoir de l’intérieur la pertinence de ce type d’œuvre apostolique : ses chances (grande surface de contact  avec le tout-venant – du point  de vue religieux -, accompagnement de la recherche spirituelle de certains, ouverture d’un public plutôt favorisé aux enjeux de la solidarité…) et ses limites (faible réponse aux propositions spirituelles, lourdeur du poids institutionnel…).

Saint-Joseph de Tivoli

Un des 14 établissements français sous tutelle de la Compagnie de Jésus : 2000 élèves, de la maternelle à l’enseignement supérieur (BTS et DCG en comptabilité et gestion), et plus de 150 enseignants.

Sur l’autre rive de Bordeaux, à Lormont, en accompagnant la catéchèse et l’aumônerie des lycéens, j’approfondis mon expérience de la pastorale en monde populaire, commencée à Saint-Ouen, dans le diocèse de Saint-Denis (93). Merveille de l’aventure : je retrouve les mêmes âges qu’à Tivoli, mais un public et des conditions si différentes… Mon regard s’ouvre ainsi à la diversité des enfants et des jeunes de notre société, en ses deux extrémités, dans leurs points communs comme dans leurs différences.

Lormont

Depuis 1988, les jésuites sont présents dans une cité. Marc Dehaudt y vit dans un appartement HLM avec deux autres compagnons, engagés sur le quartier et la paroisse, dans la pastorale de la santé et l’accompagnement spirituel, après des années de travail professionnel comme ouvriers.

Ma réflexion s’enrichit également sur les défis de la pastorale en monde populaire, notamment sur la mise en route de nouveaux acteurs, souvent issus de l’immigration, que la société n’aide pas à prendre leur place à part entière. De plus, comme l’on n’apprend jamais mieux qu’en transmettant son savoir, je me retrouve expert en catéchèse et en aumônerie à mesure que j’aide la paroisse à se renouveler.

Un ancrage dans la Compagnie

Ces expériences ont résonné avec les engagements pris depuis plusieurs étés dans des camps du MEJ. L’assurance gagnée et une plus grande autorité acquise m’ont invité à aller plus loin : une formation de directeur de camps de jeunes (BAFD) m’a donné de développer avec bonheur mes capacités humaines.

Une forte cohérence est ainsi donnée à ma régence : l’approfondissement de l’apostolat auprès des jeunes en âge scolaire. J’ai naturellement exploré d’autres lieux, à travers des engagements acceptés d’autant plus aisément que mon départ à la fin de l’année y mettra fin naturellement : accompagnement de groupe de jeunes adultes, d’équipe Notre Dame, de retraite spirituelle, commentaires de la Parole… Occasions de découvrir de multiples facettes du travail dans la vigne du Seigneur.

Plus fondamentalement encore, la régence est pour moi un vrai temps d’intégration dans le corps de la Compagnie de Jésus : en partageant avec d’autres jésuites le travail apostolique, bien sûr, mais aussi en mesurant la fragilité, voire la pauvreté, de la présence de la Compagnie en province. C’est une épreuve de savoir que la Compagnie va se retirer bientôt des deux lieux où je suis engagé : Tivoli  et Lormont. J’éprouve également dans la durée la vie fraternelle avec deux compagnons âgés (de 80 ans) à Lormont et le lien qui nous unit aux cinq autres compagnons de notre communauté de Bordeaux : beauté et profondeur du partage de vie, solitude parfois, mais toujours avec le  Seigneur.

Ainsi la régence constitue pour moi une étape importante où se forme mon « être  jésuite » aujourd’hui.

P. Marc Dehaudt sj