Alors que beaucoup s’inquiètent de voir les paroisses augmenter en taille mais diminuer en nombre, on peut se demander si la paroisse reste pertinente pour la vie de l’Eglise. Oui, répond le P. Christoph Theobald sj, dans l’émission « Mille questions à la foi » sur Radio Notre-Dame.

Sophie de Villeneuve : Vous vivez depuis une quinzaine d’années dans une paroisse rurale, et vous posez dans votre livre la question des communautés paroissiales. La paroisse a-t-elle encore un avenir dans les campagnes qui manquent de prêtres ?

C. T. : La paroisse est une institution très ancienne. Aujourd’hui, nous sommes des nomades qui bougeons beaucoup, moins peut-être dans les populations rurales. Mais nous logeons quelque part. Jésus vivait en Galilée, et chacun d’entre nous a sa propre Galilée. Cest le principe de l’Incarnation, et l’Eglise y tient beaucoup.

La paroisse était faite pour une communauté de personnes destinées à vivre ensemble toute leur vie en un lieu donné ?

Ce n’est bien sûr plus le cas aujourd’hui. C’est une première brèche dans le principe paroissial, qui ne disparaît pas pour autant. Deuxième principe, la paroisse est un lieu ouvert. Quiconque peut y venir et en partir. On peut donc se dire qu’on pourrait transformer notre Eglise en une Eglise de mouvement, ou de réseaux : le réseau Vie chrétienne, le réseau des fraternités franciscaines, etc. Les personnes se choisissant selon leur spiritualité, on arrive alors à une Eglise très fragmentée, formée de cliques ou de petites sectes. Les sociologues parlent d’ailleurs d’une sectarisation de la tradition catholique aujourd’hui. Ce qui à l’opposé de ce que veut dire « catholique ». Troisième principe, le territoire devient très important dans une société traversée par les questions écologiques. Une Eglise enracinée dans un territoire plus ou moins grand peut prendre en charge de manière très concrète ce que le pape François nous demande dans son encyclique Laudato Si.

Vous voulez dire que la paroisse a encore un sens et un avenir, même si les paroisses se regroupent ?

Bien sûr, à certaines conditions concrètes qu’il nous faut travailler. Quelles sont les conditions d’avenir du principe territorial de l’Eglise locale, paroissiale ? Voilà la vraie question. Je dirais que nos paroisses sont appelées à devenir des communautés missionnaires, des communautés ouvertes, hospitalières. Ce principe d’hospitalité se joue de manière très différente dans les milieux urbain, péri-urbain et rural. Dans les grandes villes, la paroisse est encore à l’échelle du quartier, avec des fêtes de voisinage, des gens qui se retrouvent, qui en ont besoin. Je pense que l’Eglise peut jouer un rôle à ce niveau-là. Dans le milieu rural, les prêtres et les équipes pastorales ont beaucoup de travail en été, avec les fêtes patronales dans les villages, où l’Eglise joue encore un rôle de socialisation. Les enfants et les petits-enfants reviennent sur le territoire familial, les touristes sont là, les gens sont disponibles… On peut organiser des conférences, des concerts, des rencontres, un accompagnement des personnes…

Vous parlez dans votre livre de nouveaux ministères, notamment d’un « ministère de l’hospitalité »… En quoi cela consiste-t-il ?

Il y a bien sûr une structure ministérielle dans l’Eglise, l’épiscopat, le ministère presbytéral, le ministère diaconal… Mais l’Eglise a toujours inventé des ministères en fonction des situations. Les paroisses ont aujourd’hui des sous-unités et des relais, pour que l’Eglise ne fonctionne pas comme un supermarché, trop centralisé pour que tous puissent y accéder. Il faut pour cela des personnes-relais qui prennent des responsabilités, avec peut-être un ministère de gouvernance, un ministère de parole pour organiser des groupes bibliques par exemple. Et je milite pour un ministère d’hospitalité, avec des personnes qui maintiennent poreuses les frontières de la communauté, qui invitent les gens, qui gardent un œil sur le bourg ou sur le quartier.

Il faut trouver des gens qui ont ce charisme-là. Vous parlez beaucoup des charismes de chacun…

Oui, c’est très important. Le charisme est une expression de la grâce. Vatican II parle beaucoup d’une Eglise des charismes, dès le premier chapitre de Lumen Gentium. Il faut former des prêtres que je dirais « sourciers », capables de découvrir des charismes dans les communautés. Chacun de nous a un charisme propre. Le charisme n’est pas un violon d’Ingres, c’est un don que l’on a reçu pour une communauté, au profit du bien de tous. Saint Paul dit que les charismes les plus humbles, les plus modestes, sont les plus importants. Dans un village, s’il y a quelqu’un qui ouvre l’église tous les jours, voit les gens entrer, mettre une bougie, engage la conversation, c’est une présence d’Eglise décisive !

Vous parlez aussi du charisme de la visite.

C’est un mouvement que l’on a expérimenté dans certains diocèses, dans la Creuse par exemple. Il y a eu les célèbres « roulottes », un prêtre en caravane qui se déplace. Dans l’Ariège, un prêtre le fait encore. Mais les laïcs aussi peuvent aller frapper aux portes.

Dans la paroisse, la figure du prêtre reste essentielle. Mais vous dites dans votre livre que l’image du prêtre est devenue floue, entre une image ancienne du prêtre sur lequel repose toute la charge sacerdotale, et l’image d’un prêtre plus itinérant, qui va de communauté en communauté… Est-ce que l’on devrait reconsidérer l’image du prêtre ?

C’est un sujet de travail très important. La génération des prêtres qui a vécu Vatican II compte des hommes qui ont tout fait dans leur existence et ont dû inventer beaucoup de choses. Pour les plus jeunes, il est difficile de s’identifier à ces figures qui les dépassent, d’une certaine manière. Du coup, on renvient à des schémas plus classiques, plus cadrés, avec des marqueurs plus précis…

L’image du prêtre d’autrefois ?

Oui, mais ce sont des prêtres modernes, qui utilisent des moyens modernes, qui ont un bon contact avec les jeunes. Attention à ne pas caricaturer les figures. Attention aussi à la fraternité presbytérale, qui réunit les différentes générations de prêtres.

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> Source de l’article : Croire.com  / Photo : © Communauté dominicale du Christ-Roi au Luxembourg